Jeudi 7 décembre 2017 à 13:15

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Le vent se lève, regarde-moi ! Le temps presse, le sable nous pénètre déjà la peau. La tension du souffle lointain se fait de plus en plus pressante. Regarde-moi, s’il te plait. Il est sûrement trop tard pour régler les derniers détails, mais attache moi plus fort. Cette immensité de pierre qui nous protège sera bientôt brisée, de l’intérieur. Prépare tes sens, respire encore mais surtout regarde-moi. Regarde mon corps ployé et mon esprit qui hurle. Je veux que tu sois là quand je serai face aux assauts de cette puissance insensée. Je veux que tu me regardes. Je sais que je tremble déjà, c’est normal non ? Je fais des signes avec mes pieds, je trace dans le sable des invocations absurdes et je murmure des encouragements, au-delà des routes, à celles et ceux qui m’entourent. On se sourit, au loin. Je ne leur ai pas tous dit ; ils ne se représentent pas, cette folie.

Je tiens encore sur mes jambes. Je ne vois pas vraiment la silhouette, à quelques mètres, de celle qui tombe, mais j'avais senti ses mains tremblantes, au détour. Elle s'en est allée, à l'abri.

Je sens mon sang qui palpite et mes vêtements qui claquent sur mon corps. Je sens les rafales qui creusent de plus en plus profond. Aucun son ne sortait plus de ma bouche, mais je t’ai hurlé : « REGARDE-MOI ! ». Je ne sais pas ce qu’ils y ont vu, moi j’y ai déroulé ma rage et ma fatigue. Je te sentais tout près, au travers du sable. Je te sentais à travers la mer et tes souvenirs, comme une présence vague, une lumière pure mais vacillante. Les échos parfois lointains de ta voix qui se cogne à ces montagnes de sables déferlantes. Tu n’as pas intérêt à t’éteindre. Tu n’as pas intérêt. Je vais prendre soin de nous, laisse-moi sortir de ce bourbier mais ne t’avise pas de détourner les yeux. Tu me dis « je suis fou ». Je te souris si fort que tu me vois. Il y a quelque chose de mon esprit qui vient se lover au creux du tien. Regarde-moi !

J’entends le cliquetis des cordes dans les anneaux, je les sens prêtes à rompre. Et mon corps balancé dans les secousses. J’ai parfois l’impression que je pourrai perdre connaissance. Mon visage est tout entier parcouru de filets de sables, comme des des petits ruisseaux rapides, qui courent sur mes yeux et mes joues. Bientôt, je ne pourrai plus que fermer la bouche, et il ne subsistera que les bruits extérieurs. Je sens pourtant une chaleur dans mon ventre. L’excitation. Je voudrais pouvoir crier encore, comme sur un champ de bataille imaginaire.

REGARDE-MOI ! Toi aussi, là-bas ! Où que tu sois ! Je suis précise, je te parle à toi. Au travers la terre pourrie et décomposée. Regarde-moi, ne me quitte pas encore. Je sais que je serai seule, je sais que je suis seule, mais regarde-moi. Tu ne peux plus disparaître plus, derrière ces monceaux de vagues nues. Je ne t’entendrai pas, de toutes façons. Mais regarde-moi - sans un signe je le sais - mais regarde-moi, toi aussi. 

J’ai peur. Je sens mes jambes, déjà fatiguées, sous moi. Tout est tellement lourd : mes bras, mes épaules, et surtout ma tête. Ma tête qui bouillonne et qui ne se calme pas. J’ai l’impression qu’elle n’est qu’un muscle fou, parfois. J’ai le sentiment que je vais me décomposer d’un coup, éclater dans le vent et me disperser sans bruit, au milieu du cri des cordes qui fouettent le métal.

Dans l’immensité qui n’a pas de forme, je me raconte des histoires, pour me sentir encore bouger et ignorer la vague noire de la peur qui me mange le ventre et grignote de doutes l’étendue de mes pensées. Je voudrais que tout tombe maintenant, même si je ne suis pas prête. Je revois des yeux durs, sur moi, estimer en demi-mots, que ce n’est pas la peine. Ce sont peut-être les miens.

La fatigue je la sens et parfois je la désire, comme une échappatoire. Sentir mes jambes crouler, une fois pour toute, une bonne raison de flancher. Tu vois, j’ai peur. Je me dessine, au-delà du sable, la vague de panique, qui prendra possession de moi, à l’aube du tumulte.

L’horizon est maintenant presque entièrement couvert et je joue encore avec mes doigts, pour faire durer cette parenthèse plus longtemps. Je baisse les yeux et je murmure à ceux encore tout prêts, et que me tiennent la main. Il y a ce petit groupe que je ne connaissais pas il y a quelque mois et je prends soin de certains d'entre eux, comme je peux.

Ca se rapproche encore,

Ca se rapproche toujours,

Je ne voudrais plus cesser,

Et m’endormir au creux de cette réserve de sens,

Entre deux espaces blancs de ma mémoire

Caressée par la sensation du tout possible,

Et encore à l’abri,

De ce qui s’abat toujours plus fort.

Pourtant, il faudra défier de mes yeux fermés ce qui ne dit pas son nom. Dans une danse compliquée, les pas sont pourtant au-delà du temps. Il y a une voix qui me dit, doucement "comme cela, voilà". Dans ma colonne vertébrale, je ressens cette douleur et cette volonté qui crient, coup sur coup, s'opposent et se meuvent.

Je m'élance, toujours attachée, au-devant.

Et tout va commencer.




Musique. 

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