Cette nuit, il était dans mon sommeil. Et ça m'a fait tout drôle.
J'ai pas l'habitude de l'y voir. Il s'y est introduit comme ça, comme un voleur. Et dans mon rêve, j'ai même senti son parfum d'agrumes. J'avais l'impression qu'il recouvrait les murs, imprégné partout. Et dans mon rêve, il n'avait pas sa hauteur. Il était accessible, il était à ma portée. Il semblait moins vieux aussi. Comme moi. J'avais l'impression que mon sommeil l'avait rendu palpable, en chair et en os. Je l'ai touché. J'ai senti son enveloppe intacte, j'ai été surprise : douce, pas rugueuse. Sa main a pris la mienne naturellement, normalement. Comme il se doit dans un rêve. Il m'a embrassée aussi sans que ça me gêne.
Tout ça me laisse dans un état bizarre.
C'est des trucs d'enfant ça, d'aimer son prof, de rêver de lui toute la nuit. Ou ça peut être le résultat du transfert que j'aurais effectué sur lui. Des fantasmes quoi ! Et pourtant je ne peux pas m'empêcher de me dire que j'aurais aimé que ce soit vrai. Parce que la chaleur dans mon sommeil, faut pas se leurrer, c'était pas le chauffage.
[...]J'ai pas l'habitude de l'y voir. Il s'y est introduit comme ça, comme un voleur. Et dans mon rêve, j'ai même senti son parfum d'agrumes. J'avais l'impression qu'il recouvrait les murs, imprégné partout. Et dans mon rêve, il n'avait pas sa hauteur. Il était accessible, il était à ma portée. Il semblait moins vieux aussi. Comme moi. J'avais l'impression que mon sommeil l'avait rendu palpable, en chair et en os. Je l'ai touché. J'ai senti son enveloppe intacte, j'ai été surprise : douce, pas rugueuse. Sa main a pris la mienne naturellement, normalement. Comme il se doit dans un rêve. Il m'a embrassée aussi sans que ça me gêne.
Tout ça me laisse dans un état bizarre.
C'est des trucs d'enfant ça, d'aimer son prof, de rêver de lui toute la nuit. Ou ça peut être le résultat du transfert que j'aurais effectué sur lui. Des fantasmes quoi ! Et pourtant je ne peux pas m'empêcher de me dire que j'aurais aimé que ce soit vrai. Parce que la chaleur dans mon sommeil, faut pas se leurrer, c'était pas le chauffage.
Je le vois sur l'estrade, je l'ai reconnu. C'est lui cette nuit qui m'a tenu compagnie. "
"- Je suis amoureuse.
Pourquoi je dis ça ? Ca tombe comme un cheveu sur la soupe. [...]
- J'ose pas trop te dire qui c'est. J'ai peur que tu te moques de moi.
- Si tu ne veux pas mele dire, te force pas. Mais ca a l'air compliqué pour que tu te mettes dans des états pareils.
- Non, non. Ca n'a rien à voir ; c'est ma mère. Enfin, oui c'est compliqué. Oh, je m'en sors pas ...
Non, vraiment il n'y a pas de doute, je patauge. J'ai trop l'habitude de notre silence.
- C'est un prof.
Je l'ai regardé pour voir si ca ne l'avait pas fait rire, mais non. Il m'observait avec calme, comme d'habitude, sans sembler attendre de précision mais à l'écoute.
- C'est monsieur D.
Je le regarde encore. Mais il réagit toujours pas. Il a même pas l'air surpris. Pourquoi il dit rien ? J'aimerais bien qu'il ait une réaction, qu'il me laisse pas là comme une conne, avec mon aveu sur la langue."
"- Et qui est-ce ? Un copain de classe ?
De classe, on peut dire cela. Copain pas vraiment.
- Non, c'est mon prof de philo.
J'avais pas envie de me faire prier. Alors, j'ai pas attendu. J'ai mis aucune forme. Je l'ai presque craché et ca fait un bien fou.
Pendant un moment, j'ai cru qu'elle allait se mettre à rire. Elle a même amorcé un sourire. Et puis après, il y a eu un long silence rassurant. J'étais bien avec Monsieur D. sur la langue, dans la cuisine avec maman.
- Oh, c'est une passade ... C'est normal.
Là, j'ai envie de pleurer. Par ce que décidément, elle n'a rien compris. Cet amour là, c'est pas une passade, c'est pas le Jacques de la maternelle, c'est énorme. Ca me prend toute la place. Ca m'enlace des pieds jusqu'à la tête. Ca me met l'âme à l'envers.
Et dans sa bouche à elle, c'est normal.
Mais moi je vois personne dans la rue avec mon regard, personne comme moi. C'est unique maintenant."
"- Votre professeur est absent.
Attends... Répète là ?
- Vous pouvez rentrer chez vous.
Euphorie générale, foule d'ados en délire. Sauf moi. Moi, pétrifiée. Par ce qu'ils sont tous contents, heureux d'avoir gagné deux heures pour pouvoir les perdre mieux. Et moi terrassée par ce que c'est ma récréation qu'on m'enlève. "
Extraits du livre "Les Petites Morsures" d'Aurore Guitry
J'ai lu ce livre, en marchant seule. Déambuler serait le terme exact. Dans la ville. Et les gens qui passent. Des fois, je m'assoie pour les voir vivre et je fais une pause dans ma lecture. Au début, j'ai été déçue. Déçue de voir que Sam, c'était pas moi. Que son Monsieur D, c'était pas mon Monsieur D. Que même si elle aussi avait perdu son père, qu'elle était .......... de monsieur D, c'était différent. Par ce qu'au première ligne, c'était pareil. Pas écrit pareil, mais je croyais voir. Je voulais que je puisse me voir, et voir ce que mon double faisait. Je voulais qu'on m'explique, je voulais comprendre. Tout. Qu'elle comprenne à ma place. Que je n'ai qu'à regarder, mon propre film. Après, j'ai eu des frissons,, quand j'ai lu certains passages. Par ce qu'ils résonnaient, intensément. Et j'ai arrêté de demander un miroir, j'ai demandé un livre. Même si ce sentiment n'est pas aussi plein que je l'aurais espéré. J'ai senti des échos, d'une certaine compréhension.
Je veux pas parler, juste entendre. Et je vis, et je vis. J'ai bien fait mes devoirs de vacances. Je goute l'instant. Dans un non sens total. Ca durera peut être pas mais pour l'instant, on s'en fout. Ouais, on s'en contre fous.
Ps: Personellement, je n'ai pas vraiment aimé ce livre, comment il continu. La première partie m'a réellement séduite par ce qu'elle avait un gout de vrai et un charme. Après, je trouve que ca s'entasse, avec une femme qui ne grandit pas et qui stagne. Le style se tasse lui aussi et lasse à la fin. Mais je voulais parler de la magie, de la résonance bizarre du début.
Je suppose que tu t'es lancée dans cette lecture-là comme je brûle (personnellement) de me lancer dans "Brûlant secret" de Zweig. Juste pour comprendre. Pour essayer d'avaler un peu de la vie d'un personnage...
Je crois que ce serait pour moi un plaisir, aussi, de lire ce livre. Parce que, même si je n'ai pas été amoureuse d'un professeur, j'ai été passionnée par lui, intéressée. Et on ne perd jamais rien à lire sur l'amour...
Je ne pense pas qu'un livre puisse un jour faire défiler toute ta vie dans les moindres recoins. Ce livre-là, il faut l'écrire... pas le chercher. C'est un livre qui n'existe pas, parce que même si toute relation amoureuse semble pareille, en réalité, elles ne sont que différentes. Et même, parfois, une même relation vécue par deux personnes peut donner naissance à deux livres différents, deux visions différentes.
Tout de même, tu as trouvé des échos, des semblants de réponses, et ça, c'est déjà bien, je trouve. C'est ce que je demande à un livre : qu'il me fasse ressentir des émotions.
Je ne sais pas comment tu fais pour lire en déambulant, tranquillement, dans la rue. C'est quelque chose qui m'est impossible =).
Si tu vis, si tu es apaisée, que demander de plus ? Penser au futur, ça te gâche le goût du présent. Je pense que tu as raison de t'en foutre...
Je t'embrasse fort !