Je me vois faire, la pensée qui tire avant l'ombre. Le réflexe qui se déroule devant mes yeux/mon coeur impuissants, celui qui consiste à envisager les choses négatives, les points de faiblesse, d'envisager la relation comme étant par essence vouée à finir. Dans un pur instinct de protection. Je sens, j'entends, je vois cet instinct battre. Quelque chose d'insidieux, pour s'empêcher de franchir le dernier pas avant un quelconque abandon, avant l'attachement (même le plus minime). N'envisager que le tempo du toujours incertain et du "prête-à-partir", "prête-à-s'enfuir". Surveiller le terrain, envahie par la prudence. Se protéger dans une distanciation constante dès qu'il n'est plus là.
Il faudrait faire confiance à la vie, et à l'Autre
(qui ne va pas mourir, qui ne va pas blesser juste au moment du lâcher-prise)
(c'est se faire confiance aussi sur la possibilité même de susciter de l'attachement)
Poser ceci, voir une photo qui me fait penser à mon père, avoir soudain le coeur qui étouffe un sanglot. Et encore une fois, sentir les choses se passer, comme en spectatrice.
Je tire avant l'ombre
Et ces accès de mauvaise humeur (et j'ai écris d'abord "mauvaise humaine")
Sans aucune doute ma peur est à la porte
Et dans ces instants rageurs où je me débats comme cette tristesse
Je voudrais avoir l'énergie pour ne rien perdre
Ni aucune facette de moi, ni aucun être, ni aucun désir
Ni aucune opportunité, ni aucune minute désuète
Je voudrais avoir l'énergie pour t'embrasser tous les jours
Je tire avant l'ombre, avec la lucidité qui toujours m'afflige
Je tire avant l'ombre, toujours aussi précoce
Pour tirer en l'air, signaler une pause, je voudrais crier
Pour tirer en l'air, ni sur soi, je ne trouve plus mes mains
Mes yeux sont encore endormis et tatonnent dans le noir
Je paniquerai presque à l'appel du réveil, encore.