" C'était le jour des Rameaux de l'année 1728. Je cours pour la suivre : je la vois, je l'attends, je lui parle... Je dois me souvenir du lieu ; je l'ai souvent depuis mouillé de mes larmes et couvert de mes baisers. Que ne puis-je entourer d'un balustre d'or cette heureuse place ! Que n'y puis-je attirer les hommages de toute la terre ! Quiconque aime à honorer les monuments du salut des hommes n'en devrait approcher qu'à genoux.
C'était un passage derrière sa maison, entre un ruisseau à main droite qui la séparait du jardin, et le mur de la cour à gauche, conduisant par une fausse porte à l'église des Cordeliers. Prête à entrer dans cette porte, Mme de Warens se retourne à ma voix. Que devins-je à cette vue ! Je m'étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; la bonne Dame de M. de Pontverre ne pouvait être autre chose à mon avis. Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour d'une gorge enchanteresse. Rien n'échappa au rapide coup d'œil du jeune prosélyte ; car je devins à l'instant le sien, sûr qu'une religion prêchée par de tels missionnaires ne pouvait manquer de mener en paradis. Elle prend en souriant la lettre que je lui présente d'une main tremblante, l'ouvre, jette un coup d'œil sur celle de M. de Pontverre, revient à la mienne qu'elle lit tout entière, et qu'elle eût relue encore si son laquais ne l'eût avertie qu'il était temps d'entrer. Eh ! mon enfant, me dit-elle, d'un ton qui me fit tressaillir, vous voilà courant le pays bien jeune ; c'est dommage en vérité. Puis sans attendre ma réponse, elle ajouta : allez chez moi m'attendre ; dites qu'on vous donne à déjeuner ; après la messe j'irai causer avec vous. "
Les Confessions, Rousseau
Tout à l'ouest de la classe, côté droit de la table, premier rang. Il est totalement de l'autre côté. Sur son bureau, le livre à la main. Et tout s'accélère. Tout se précipite. Mon coeur bat, hurle. Je respire profondément. Oh non, ne recommence pas. Les yeux fixés sur lui avec une espèce de profondeur illusoire. Impossible de s'en défaire. Il parle d'amour, de sensualité et de rencontres. Et cela résonne. Résonne à en faire vaciller les murs. Les sentiments se réveillent, où du moins, sortent de leur prison mentale. C'est tout le flux des choses refrénées qui ressortent. Chut. Tout se passe en un quart de seconde. Un petit cri étouffé, les larmes coulent. Il parle. Je ne peux m'empêcher de tourner la tête. Les larmes s'enfuient. Dès que je le quitte des yeux, le charme se brise. Je pleure. Je sens tout ce qu'il y a. La puissance. La déception. L'admiration. l'amour. Et il est brillant, délicat, imposant et fragile. Ce texte lui plait, cela l'abreuve et il est beau, magnifique. Cependant ... ce texte me renvoie trop à moi, à cet impossible nous qui me tord en deux. Stupidement, j'en veux. j'en veux à Rousseau. Il va se la tapper sa Mme de Warens ce connard. J'aime ce texte aussi. Oui, tu as raison, il est admirable. Ces petites pailettes. Sa sensualité. je ... Tout. Je respire doucement. Les gouttes d'eau sur mes joues me brulent. L'heure me parait à la fois longue et instantané. Il s'en va. Je le regarde en fixant les arbres derrières lui, ces arbres aux nuances différentes. Je me concentre sur chaque feuille mais je ne peux m'empêcher d'observer la petite silhouette rouge au coin. L'après midi continue. Je reprends le travail de réparation de mon intérieur. Je colmate tout doucement pendant que la prof d'espagnol parle. C'est dur. La pression est intense. L'énergie me manque, je suis toujours malade. Je décide de me défaire de ma sensiblité, du moins pour la journée . Je vis le reste de cette après midi dans un état de flottement heureux mais fragile. Je vis.
Arrivée à la maison, je m'installe à mon bureau, allume la musique. Je commence à regarder Porco Rosso en discutant sur internet. Les premières notes du générique résonnent. J'ai mal. J'ai mal mal mal mal. Regarder un film a réveillé ma sensibilité. Une fuite. Trop tard. Tout explose. C'est fulgurant, déferlant et puissant. aussitôt; je me met à pleurer. Je ne sais pas, je ne sais plus pourquoi. Je pleure comme une enfant. J'ail mage de Chihiro après qu'elle ait vu ses parents. C'est cela. Je pleure avec des petits cris étouffés, presque silencieux. Les larmes se succèdent. Je respire par saccade. Tout. Tout se déverse. Toute la douleur. Je commence à parler. Je commence à comprendre aussi. J'ai mal. Mal de me dire que j'aime un homme qui s'en fou. Je suis fatiguée de me battre avec tout cela. Je suis triste, désespérée à l'idée qu'il ne posera jamais un regard d'homme sur moi. Et que c'est peut être à cause de ma personnalité impulsive. C'est furieuse manie de ne rien pouvoir contrôler, de ne jamais pouvoir être vraiment sérieuse et posée. Je sens tout cet amour gaspillé, mis à mal en moi. Cet amour destiné à pourir. Je ressens toute cette frustration, tout ce manque accumulé. Ma sensibilité hurle. Je sens que j'ai besoin de lui. Affreusement besoin de lui. Pourquoi il n'est jamais là ? Pourquoi il ne sera jamais là ? Mes complexes me remontent aussi. Je croyais avoir accepté le fait de ne pas être jolie. Bonne blague. Tout Tout Tout me reviens. Et je parle, à voix haute ou sur msn. Il faut que cela sorte. Je n'arrive pas à m'arrêter de pleurer. J'ai surement retenu trop de choses. Je me sens étouffée par tout cela, prise au dépourvue. Par ce que cette douleur reste sans réponse que l'avenir s'en va inéluctablement vers tout ce qui m'apparait impossible. Par ce que j'ai la stupidité de m'accrocher à des miettes d'espoir idiots. Je n'arrive pas à envisager cet avenir sans lui, sans un retour, même infime. Je suis fatiguée de cette image de clown que je renvoie. Je suis fatiguée de ne jamais plaire, surtout à lui. Je suis fatiguée d'être transparente. Je suis fatiguée d'être amoureuse, stéréotypée et stupide. Je suis fatiguée de me juger mais je n'arrive pas à faire autrement. Tout se mélange. Je pleure des heures. Pendant ce temps, je discute sur msn mais, surtout, je regarde des Miyasaki. Ils me calment un peu, par moment. Ils apaisent cette révolte du corps, de l'intérieur. Tout cela m'a surpris, ce n'étais pas mon but de tout réfréner, je ne savais pas que j'avais tout cela tapi en moi. J'ai agit inconsciemment. J'ai bien senti chez la psy que les larmes venaient et revenaient, et que, le jour où elle m'avait fait faire un rêve éveillé, je n'avais jamais pleuré autant, jusqu'à hier. Peut être n'avais-je pas voulu voir. Je ne sais. "Tu sais Julie, tu aimes passionement". Je viens à l'instant de compter. 8 mois. Cela fait 8 mois. Je ne m'attendais pas à tant. Enfin, là aussi. Le chiffre me surprend alors que j'ai une impression d'éternité. C'est à la fois beau et pathétique. J'ai peur. Je m'en veux. Je souffre. Je suis heureuse. J'ai peur de l'avenir, je ne vois pas le bout du tunnel. Je m'en veux d'être aussi bête. Je souffre que tout soit impossible, qu'il soit inacessible, de ce besoin permanent de le voir, de ce désir immense qu'il me parle, me raconte qui il est. Je suis heureuse, par ce que la vie est jolie et qu'au fond je lui fait confiance. En fait, je crois juste que je suis en train de vivre mon premier chagrin d'amour et c'est comme ma foutu personnalité : excessif ou passioné, question de point de vue. De toutes façon, je suis lassée de ces deux termes.
Et puis, en espagnol, j'ai vu qu'il avait écrit sur mon agenda. j'avais totalement oublié. Oua. L'effet.
J'écris cela juste pour poser la soirée d'hier. C'était une soirée importante. Vous excuserez la maladresse habituelle.
J'ai installé la Camboard ...
J'ai installé la Camboard ...