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A côté de moi, il y a une ombre et un bout de cigarette rouge. De temps en temps, une bouffée éclaire une bouche et un nez comme un phare lointain.

Le tison s'est écarté de la bouche qui rentre alors dans le noir. Il s'approche de moi. Je ne fais pas attention. Un coup de coude dans mon bras. Le tison se rapproche. Je prends la cigarette. Je tire deux touches. La main la reprend.

— Merci.

C'est le premier mot. J'étais seul. Je ne savais même pas qu'il existait. Pourquoi cette cigarette vers moi?

Je ne sais pas qui il est. Le tison rougit de nouveau à sa bouche, puis il s'en écarte et s'approche de nouveau de moi. Une touche. Nous sommes ensemble maintenant, lui et moi: on tire sur la même cigarette. Il demande.

— Franzose?

Et je réponds:

— Ja

Il tire sur sa cigarette. Il est tard. Il n'y a plus aucun bruit dans la chambrée. Ceux qui sont sur le banc ne dorment pas mais se taisent. Moi aussi je demande:

— Rusky?

— Ja.

Il parle doucement. Sa voix semble jeune. Je ne le vois pas.

— Wie Alt? ( Quel âge? )

— Achtzehn. ( Dix-huit ).

Il roule un peu les r. Il y a un silence pendant qu'il tire sa bouffée. Puis il me tend la cigarette et disparaît de nouveau dans le noir. Je lui demande d'où il est.

— Sébastopol.

Il répond chaque fois docilement, et dans le noir, ici, c'est comme s'il racontait sa vie.

La cigarette est éteinte. Je ne l'ai pas vu. Demain je ne le reconnaîtrai pas. L'ombre de son coprs s'est penchée. Un moment passe. Quelques ronflements s'élèvent du coin. Je me suis penché moi aussi. Rien n'existe plus que l'homme que je ne vois pas. Ma main s'est mise sur son épaule.

A voix basse:

— Wir sind frei. ( Nous sommes libres).

Il se relève. Il essaye de me voir. Il me serre la main.

— Ja.