Lundi 28 janvier 2019 à 18:11

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Mon corps me pèse et c’est une chaleur qui me pénètre l’orée des lèvres. J’aurais voulu m’envoler plus haut. J’aurais voulu toucher les reflets bleus dans le ciel, et attacher aux corps des volutes étrangères une impression de sens. Il fait sens de troubler au creux des yeux une attitude arrachée, il fait sens de murmurer toujours des inepties au fond de soi. C’est une caresse plate et suspendue.

 Je regarde les miroirs sans tain qui entourent ma mémoire, et le sentiment brut des jugements qui viennent se briser contre moi, comme des vagues. Je regarde les miroirs et leurs reflets me donnent envie de pleurer, et cette envie de pleurer me remplit d’avantage de colère contre moi. J’aurais voulu sortir d’un coup de cet étau, de cet état. J’aurais voulu trouver une inspiration profonde et balayer de l’intérieur mon immensité rongée, pour éclater au cœur et m’envoler soudain.

C’est une impression forte, celle de lutter contre soi, et de vouloir résister toujours à un abandon au noir. Mes mots formulent des espoirs et des principes, mais c’est pour toujours m’empêcher de glisser dans l’abîme. Pourquoi ? Il s’agit autant d’un réflexe, si ancré que je ne saurais plus qui je suis s’il m’était enlevé.

Toujours ces sentiments de flux et de mouvements contraires, et dans le rythme intenable des spirales mentales, il faudrait se laisser accompagner et se laisser pénétrer par soi. Pourtant, j’ai si souvent l’impression que ma pensée est lestée, tellement puissante et encombrante, un peu malade. Il faudrait abandonner encore tant de choses, peut-être et sauter à nouveau, dans ces immensités bleues.

Dans ces immensités bleues.


 

« C’est l’hiver », dit-elle en murmurant. Dehors, les flocons mélangeaient avec la pluie, et venaient disparaître au sol. Le vent froid s’engouffrait dans l’embrasure de la fenêtre. « Je voudrais prendre le temps de raconter des histoires, de faire sortir des masques et des visages de mon esprit ». Sur sa main, la neige se faisait de plus en plus réelle. Peu à peu, les toits aux alentours se couvraient d’une couleur claire et le ciel était désormais presque blanc. La beauté des contrastes se distillaient dans la lenteur du froid et son regard se perdait avec enthousiasme dans la contemplation de la ville. Elle aurait voulu pouvoir décrire ces sentiments qui se bousculaient en elle, une joie qu’elle sentait toute entière sortie de son enfance et une nostalgie profonde, de celle que l’on porte toujours avec soi. La fraicheur venait couvrir ses doigts et glisser à l’intérieur d’elle-même. Gelée, sa main était délicatement gelée et elle s’amusait à imaginer une main ouverte qui ne refermerait pas. Peut-être qu’elle ne le sentait pas, ou qu’elle ne sentait plus rien. Il fallait que la neige la morde plus profondément dans sa chair, que le vent lui creuse le visage dans la profondeur des yeux, peut-être même pour lui tirer des larmes. « Qu’est-ce que tu fais ? » Une voix la tira d’un coup de sa torpeur, et de sa fascination gracile. Elle ferma la fenêtre brusquement sans détacher ses yeux des flocons qui tombaient toujours plus fort, « c’est l’hiver », répéta-t-elle.

Vendredi 4 janvier 2019 à 10:52

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Je relisais d'anciens articles. Je le fais régulièrement, c'est là que je découvre véritablement mes textes, que je peux même parfois apprendre à les aimer, et que je me reconnecte à la personne que j'ai été. Voir et sentir à la fois la distance et la puissance émotionnelle.

Je relisais d'anciens articles et j'ai eu le sentiment d'une lente guérison. Cette fin d'année, en retrouvant un rythme de travail réglé (je ne suis plus étudiante), j'ai mesuré, a posteriori, l'état de fatigue physique et émotionnel dans lequel je me trouvais. C'est aussi que, depuis cette dernière année de prépa, où j'étais allée creuser très profond dans mes réserves, où j'avais été, une nouvelle fois je crois, en dépression, j'avais eu l'impression de remonter peu à peu. C'était toujours mieux que l'année d'avant, j’étais moins oppressée, globalement moins abattue. Pourtant, à reprendre un cours de vie plus calme, libérée des concours et des objectifs que l'on se met à soi, libérée des emplois du temps libres et ainsi toujours contraints, je me rends compte de ce qui pesait encore sur moi. Je me rends compte que oui, c’était mieux, mais c’était encore beaucoup.

J’avais conscience d’être fatiguée, profondément fatiguée. Et d’avoir du mal à sortir de cet état. Mon sommeil s’est peu à peu amélioré mais demeurait encore troublé et peu réparateur. Je dors sans dormir, et les rêves-cauchemars qui m’assaillent. Là, je fatigue toujours relativement vite, surtout psychiquement, mais je ne me sens écrasée par cette forme de sommeil dès que je me lève. Je me sens toujours dans un équilibre précaire, j’ai toujours des angoisses, mais sur le fond, ça va mieux. Je ne suis plus contrainte par ces échéances et ces montagnes de concours.

Mon nouveau boulot se passe beaucoup mieux que je m’étais laissée aller à l’espérer. La stabilité financière qu’il m’apporte m’a également beaucoup aidé à aller mieux. Je ne dépense pas beaucoup plus, finalement, mais je suis enfin indépendante et, par-là, beaucoup apaisée. J’ai mon argent, j’ai même des économies. Je ne suis pas constamment en culpabilité, en peur de trop dépenser ou de faire les mauvais choix. C’est tellement de fatigue mentale en moins, tellement de choses qui se calment car je sais qu’en cas de pépin, je pourrai gérer.

Je suis globalement plus apaisée et c’est très agréable. Se réveillent en moi des émotions et des questions parfois plus enfouies, relativement à des questions métaphysiques ou, plus positivement peut-être, des envies de créer. Je consacre également une partie de l’énergie que j’ai à nouveau pour entamer une thérapie profonde avec une psy.

2018 ce sont des fins, une période de transition, un nouveau départ et les premiers émois d’une nouvelle routine. 2018 ce sont les rideaux voilés et blanc d’un passage ; c’est aussi la lumière au creux de la porte. J’ai parfois l’impression de retrouver des parties de moi que je n’avais pas rencontré depuis longtemps, j’ai parfois l’impression d’avoir passé un versant sans m’en rendre compte, car mon regard était ailleurs.

Et puis, il y a cette relation-là, cet amour. Dans ces moments où je dis moins que je ne raconte, je ne voudrais pas abîmer et dire mal. C’est toujours dur à saisir et à exprimer, surtout en société d’ailleurs. Les paradoxes d’une relation travaillée, patiemment construite mais qui garde en moi l’impression de quelque chose de miraculeux. C’est si profond, si apaisant et si évident. J’ai de plus en plus confiance en lui, en nous, et peut-être en moi, et je me sens heureuse. Je suis amoureuse et je suis aimée. C’est parfois juste difficilement croyable et j’ai l’impression d’une assise immense, et d’une force profonde.

2019, alors. Cela sera se rencontrer à soi, encore. User de l’énergie libérée pour aller voir de vieux démons, pour apprendre. Je sens que renaît, plus fort, en moi, l’envie de créer. Je voudrais apprendre ou mieux apprendre à savoir ce que je veux, à écouter ce que sont mes envies et me donner le droit d’y répondre. J’ai aussi commencé à écrire ce dont je rêve la nuit, tant que possible. Je me sens plus solide sur mes appuis car, tout simplement, je ne me sens plus totalement épuisée. Je vais plus voyager, aussi.

Jeudi 3 janvier 2019 à 15:04

Ce que je sens, dans mon inaction fasse à ces assauts d’angoisse, c’est presque le sentiment d’un attachement. Je ne souhaite pas que l’on me donne des moyens de m’en débarrasser. Ou plutôt, je voudrais que cela soit immédiat. Ce que je rejette, d’une certaine manière, c’est ce processus, de faire face, de l’effort de faire, c’est l’impression d’une montagne et d’une vanité. L’angoisse me prend ici dans d’immenses pattes d’araignées noires, comme ces crochets dans le jeu vidéo. Son emprise qui naît de rien, c’est toujours douloureux et vexatoire de le reconnaître, mais apparaît d’un coup, comme des griffes qui se referment. Sur moi. Et viennent lentement me pénétrer la poitrine et le cœur. Je sens leur point d’ancrage sous mes seins, et sous ma peau, et la douleur qui vrombit doucement et vient appuyer contre ma respiration. Je sens la musique qui coule le long de mes oreilles, de mon cou, vient se lover dans ma tête pour tenter de balancer ailleurs. Je sens mon esprit qui s’y raccroche, comme il se lance à la poursuite du rythme de mes doigts sur le clavier. A l’intérieur de moi, les assauts intérieurs de cette emprise, les ondulations de la musique, le vrombissement de mon esprit qui se démène pour démêler, les jugements qui courent et viennent se heurter aux murs de ma conscience, pour parfois le traverser.

C’est une crise. C’est à la fois terriblement silencieux et bruyant. Une cacophonie qui voudrait se faire entendre au cœur de ma poitrine et la sensation, désabusée, inutile mais persistance que tout cela est vain, sans sens, sans nécessité. Je trouvais fermer cette partie de mon corps comme on fermerait les yeux. Que cela se finisse. Ce n’est pas si grave, ce n’est même pas si douloureux, c’est gênant, et handicapant. De grosses épines que l’on ne voudrait pas avoir à enlever. En serrant les poings, en demandant bien fort, peut-être qu’elles pourraient s’enlever toutes seules ? Il faudrait accepter de se confronter à même la chair, y accrocher les mains, se tourner vers soi et ce qui respire. Je ne veux pas.

C’est une crise et c’est à la fois intense et impalpable. C’est une crise et pourtant, c’est presque rien. Je suis assise sur ma chaise, mon corps fonctionne, mon esprit aussi, ma respiration est légèrement pénible, mais rien qui pourrait faire basculer dans une forme de panique. C’est un caillou dans le pied. Je me souviens, je relativise. J’ai pu me brasser sur l’être des entièretés de roches, j’ai pu me sentir effondrée sous tant de pierres. J’en vois d'ailleurs, autour de moi. Alors, comment, ce caillou ? Comment ces branches qui m’enserrent sans m’étouffer ? Comment ce sentiment d’impuissance se nourrit-il ? Comment suis-je prostrée dans ce temps suspendu ? Je me sens incapable de me confronter vraiment à cette angoisse glissante, je ne le veux pas, je l’ai dit plus haut, je ne sais pas si vraiment je le puis. Et pourtant, incapable aussi de me resituer dans le flux de la vie sans crocs, du travail et du temps normé. Incapable, comme interdite. Le fleuve qui s’écoule au-dehors de moi. Et cela nourrit l'angoisse car je me vois voir ce qui ne peut se faire, la perspective d’un retard. Je vois se déformer, légèrement, ce qui ajouter au trouble, ma vision sur la situation présente. Je me sens moins capable de faire, je vois d’un œil plus dur ce que j’ai déjà produit. Je me souviens du déclencheur, minable.

Le déclencheur, cela a été une conversation téléphonique. Ma cheffe m’appelle, me présente un problème. Je dois contacter Monsieur D, prendre le poul du problème et organiser un appel avec l’équipe technique. Rien de compliqué. Je vois comment faire, je m’exécute. J’appelle Monsieur D. Puis, je trébuche. A la fin, je ne dis pas « ça vous va ? » mais « ça vous dit ? » que je corrige d’un « ça vous va », tout de suite après. Il sourit en me répondant, cela s’entend. D’un coup, l'angoisse qui rugit, articulée au jugement de moi promptement activé, visible. Je raccroche et traite la situation. Extérieurement, tout va bien. Et moi je sens la honte à voir les griffes se refermer ainsi pour une broutille. Oui. Une broutille. Les écrans qui m’assaillent comme le miroir sans tain de mon propre regard.

J’ai rattrapé la barque. J’essaie de respirer par le clavier, comme si j’avais peur, vraiment, de mettre les mains dans mes poumons. J’essaie de faire ce que je sais faire car j’ai peur. J’essaie, peut-être, pas vraiment, je ne sais pas. J’essaie, car je ne sais.

J’ai les mâchoires serrées et la fatigue qui monte. 

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