" J’aime les néons, ils s’allument en bégayant, ils ronronnent en brillant, ils veulent bien faire mais ils abîment les yeux ; ce sont des maladroits "
" Mourir n'est pas facile, s'endormir non plus. Combien de suicidés ont oublié que leur geste risquait de leur coûter la vie ? Regarde moi, regarde-moi, je vais mourir dit-il, l'arme à la main, juste avant de rater son coup et de mourir comme un con, pour de vrai. Je vais mourir, tu parles. Et qu'est ce que tu espères ? Pour qui tu te prend ? Va mourir, connard. Va mourir si tu veux, on meurt de toute façon. Ce n'est pas ton suicide qui va te sauver la vie. "
"Que voit-on quand on regarde ? Le monde tout nu, l'indivisible altération des natures vives, le sursaut des objet que la candeur dépouille de leur fonction, des choses étranges : un mille-pattes au fond de la gorge, une mouette dans un ballon, des taupinières dans les rides du visage [...] Une terre toute plate dont la beauté dépend de l'œil. Un monde, en un mot, dont la science et ses squelettes ne disent pas grand chose, et qui, peut-être, à trop subir les lois de l'esprit, finit par rendre l'âme."
" Avant qu'elle nous lise "Parfums exotiques", Baudelaire n'était qu'une syphilis, un toxicomane alexandrin qui faisait la gueule sur les photos. Mais elle a pris le texte en main et l'a scruté amoureusement. Elle a passé deux heures sur la première virgule pour décrire la suspension du temps. Elle a mêlé le jaune et le bleu pour colorer de vert l'adjectif "monotone". [...] Mme Maurel, c'est la casquette de Charles Bovary, cet objet impossible "dont la laideur muette, dit Flaubert, a des profondeurs d'expression comme le visage d'un imbécile" et dont elle se servait pour nous montrer que plus on s'approche du réel, moins on le saisit."
"Un jour,j'étais âgée déjà, dans le hall d'un lieu public, un homme est venu vers moi. Il s'est fait connaître et il m'a dit : 'Je vous connais depuis toujours. Tout le monde dit que vous étiez belle lorsque vous étiez jeune, je suis venu vous dire que pour moi je vous trouve plus belle maintenant que lorsque vous étiez jeune,j'aime moins votre visage de jeune femme que celui que vous avez maintenant, dévasté. "
" Sous le chapeau d'homme, la minceur ingrate de la forme, ce défaut de l'enfance, est devenue autre chose. Elle a cessé d'être une donnée brutale, fatale, de la nature. Elle es t devenue, tout à l'opposé, un choix contrariant de celle ci, un choix de l'esprit. Soudain, voilà qu'on l'a voulue. Soudain je me vois comme une autre, comme une autre serait vue, au dehors, mise à la disposition de tous, mise dans la circulation des villes, de route, du désir. Je prends le chapeau qui me tout entière à lui seul, je ne le quitte plus. "
"Elle entre dans l'auto noire. La portière se referme. Une détresse à peine ressentie se produit tour à coup, une fatigue, la lumière sur le fleuve qui se ternit, mais à peine. Une surdité très légère aussi, un brouillard, partout."
"C’est à Cholon. C’est à l’opposé des boulevards qui relient la ville chinoise au centre de Saïgon, ces grandes voies à l’américaine sillonnées par les tramways, les pousse-pousse, les cars. C’est tôt dans l’après-midi. Elle a échappé à la promenade obligatoire des jeunes filles du pensionnat
C’est un compartiment au sud de la ville. L’endroit est moderne, meublé à la va-vite dirait-on, avec des meubles de principe modern style. Il dit : « Je n’ai pas choisi les meubles ». Il fait sombre dans le studio, elle ne demande pas qu’il ouvre les persiennes. Elle est sans sentiment très défini, sans haine, sans répugnance non plus, alors est-ce sans doute là déjà du désir. Elle en est ignorante. Elle a consenti à venir dès qu’il le lui a demandé la veille au soir. Elle est là où il faut qu’elle soit, déplacée là. Elle éprouve une légère peur. Il semblerait en effet que cela doive correspondre non seulement à ce qu’elle attend, mais à ce qui devrait arriver précisément dans son cas à elle. Elle est très attentive à l’extérieur des choses, à la lumière, au vacarme de la ville dans laquelle la chambre est immergée. Lui, il tremble. Il la regarde tout d’abord comme s’il attendait qu’elle parle, mais elle ne parle pas. Alors il ne bouge pas non plus, il ne la déshabille pas, il dit qu’il l’aime comme un fou, il le dit tout bas. Puis il se tait."
" Nous nous sommes baigné ensemble avec l'eau fraiche des jarres, nous nous sommes embrassés, nous avons pleuré et ça a été encore à en mourir mais cette fois, déjà, d'une inconsolable jouissance. Et puis je lui ai dit. Je lui ai dit de ne rien regretter, je lui ai rappelé ce qu'il avait dit, que je partirais de partout, que je ne pouvais pas décider de ma conduite. Il a dit que même cela lui était égal désormais, que tout était dépassé. alors je lui ai dit que j'étais de l'avis de son père. Que je refusais de rester avec lui. Je n'ai pas donné de raisons."
Les extraits sont dérisoires mais moins peut être que ce que l'on peut en dire.
En deux jours, deux livres.
La philosophie - un jeu d'enfant. Enthoven
L'Amant, Duras
Je ne sait pas écrire mon avis sur un livre, sur des livres. Je n'ai pas le goût sur et la prétention de pouvoir faire ressortir quelque chose d'important d'un bouquin. Mais, dans Enthoven, la délicieuse périgrination d'une intelligence sensible. Dans Duras, juste l'écriture aimant d'une histoire qui s'éparpile dans les recherches resonantes. Deux histoire de lectures totalement différentes. Mais un réel plaisir, un apport concentré. Cela faisait longtemps. J'ai l'impression de retrouver une partie de moi.