"Il est parfaitement concevable que la splendeur de la vie se tienne prête à côté de chaque être et toujours dans sa plénitude, mais qu’elle soit voilée, enfouie dans les profondeurs, invisible, lointaine. Elle est pourtant là, ni hostile ni malveillante, ni sourde ; qu’on l’invoque par le mot juste, par son nom juste, et elle vient. C’est là l’essence de la magie qui ne crée pas, mais invoque." Kafka
Vie de Chien
Je me couche toujours très tôt et fourbu, et cependant on ne relève aucun travail fatigant dans ma journée.
Possible qu’on ne relève rien mais moi, ce qui m’étonne, c’est que je puisse tenir bon jusqu’au soir, et que je ne sois pas obligé d’aller me coucher dès les quatre heures de l’après-midi.
Ce qui me fatigue ainsi, ce sont mes interventions continuelles.
J’ai déjà dit que dans la rue je me battais avec tout le monde ; je gifle l’un, je prends les seins aux femmes, et me servant de mon pied comme d’un tentacule, je mets la panique dans les voitures du Métropolitain.
Quant aux livres, ils me harassent par-dessus tout. Je ne laisse pas un mot dans son sens ni même dans sa forme.
Je l’attrape et, après quelques efforts, je le déracine et le détourne définitivement du troupeau de l’auteur.
Dans un chapitre vous avez tout de suite des milliers de phrases et il faut que je les sabote toutes. Cela m’est nécessaire.
Parfois, certains mots restent comme des tours. Je dois m’y prendre à plusieurs reprises et, déjà bien avant dans mes dévastations, tout à coup au détour d’une idée, je revois cette tour. Je ne l’avais donc pas assez abattue, je dois revenir en arrière et lui trouver son poison, et je passe ainsi un temps interminable.
Et le livre lu en entier, je me lamente, car je n’ai rien compris... naturellement. N’ai pu me grossir de rien. Je reste maigre et sec.
Je pensais, n’est-ce pas, que quand j’aurais tout détruit, j’aurais de l’équilibre. Possible. Mais cela tarde, cela tarde bien.
H.M
Pensées
Penser, vivre, mer peu distincte;
Moi - ça - tremble,
Infini incessamment qui tressaille.
Ombres de mondes infimes,
ombres d'ombres
cendres d'ailes.
Pensées à la nage merveilleuse,
qui glissez en nous, entre nous, loin de nous,
loin de nous éclairer, loin de rien pénétrer;
étrangères en nos maisons,
toujours à colporter,
poussières pour nous distraire et nous éparpiller
la vie.
H.M
Une tête sort du mur (extrait)
Si je comprends bien, c’est ma solitude qui à présent me pèse, dont j’aspire à sortir et que j’exprime de la sorte, y trouvant, surtout au plus fort des coups, une grande satisfaction. […] J’adore me lancer de plein fouet sur l’armoire à glace. Je frappe, je frappe, je frappe, j’éventre, j’ai des satisfactions surhumaines, je dépasse sans effort la rage et l’élan des grands carnivores et des oiseaux de proes, j’ai un emportement au-delà des comparaisons
H.M
Mouvements de l'être intérieur.
La poudrière de l’être intérieur ne saute pas toujours. On la croirait de sable. Puis, tout à coup, ce sable est à l’autre bout du monde et, par des écluses bizarres, descend la cataracte de bombes.
En vérité, celui qui ne connaît pas la colère ne sait rien. Il ne connaît pas l'immédiat.
Puis la colère rencontre la patience lovée sur elle-même. Sitôt touchée, celle-ci se dresse et se confond avec celle-là, et fonce comme un obus et tout ce qu'elle rencontre elle le renie et le transperce.
Puis, roulant ensemble, elles rencontrent la confiance à la grosse tête et les autres vertus, et la débâcle s’étend sur toutes les zones.
La vitesse remplace le poid et fait fi du poids.
Comme un cil pointant au bord d'une paupière y est mieux à sa place qu'au bout d'un nez, la vélocité est à sa place dans l'être intérieur. Elle y est plus naturelle que dans la patte d'une tortue atteinte de paralysie.
Quand la concupiscence halant ses bateaux de fièvre dans la campagne immense de l'être intérieur ... Quoi ! Qu'est ce donc que cette brume qui monte ?
L'être intérieur combat continuellement des larves gesticulantes. Il se trouve tout à coup vidé d'elles comme d'un cri, comme de détritus emportés par un ouragan soudain.
Mais l'envahissement reprend bientôt par le bas et le calme d'un instant est soulevé et troué comme le couvercle des champs par les grains de blé avides de croître.
Il faut voir l'être intérieur attaquant la concupiscence. Quel boulanger vit-on pareillement accablé par la montagne mouvante, montante , croulante de la pâte?une pâte qui cherche le plafond et le crèvera
L'être intérieur collabore avec la concupiscence dans la joie ou avec réserve. Mais toujours il est traqué par cet envahisseur gonflant.
L'être intérieur a tous les mouvements, il se lance à une vitesse de flèche, il rentre ensuite comme une taupe, il a d'infinies hibernations de marmotte. Quel être mouvementé ! Et la mer est trop mesquine, trop lente pour pouvoir lui être comparée, la mer a la gueule ravagée.
Enfin, s’attaquant à l’homme vaincu d’avance, la Peur,
Quand la Peur, au ruissellement mercuriel, envahit la pauvre personnalité d’un homme qui devient aussitôt comme un vieux sac,
Écartant tout quand elle entre, en Souveraine, s’assied et se débraille sur les sièges culbutés de toutes les vertus,
Décongestif unique du bonheur, quand la Peur,
Quand la Peur, langouste atroce, agrippe la moelle épinière avec ses gants de métal…
Oh, vie continuellement infecte !
Le désespoir et la fatigue s’unissent. Et le soleil se dirige d’un autre côté.
Henri Michaux
Insistance du ton musical. Et la foule et la foule. Pourquoi tu fuis ? Pourquoi tu pleures, pourquoi tu ries ? Pour quoi? Le flou terré dans ces grands chevaux, la bride qui étrangle la folie pure de te vouloir libre à moi. Le soir tremblote et fuit à la bougie électrique. Le soir craque et la nuit se cramponne, pour mieux régner. ["J'ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l'immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde." Caligula, Camus]
Intensité, Apogée, Clairvoyance, Perspicacité. Joie.
Aveuglement.
C'était une pièce grise avec des meubles marrons et le lit pourpre au centre. Les cheveux noirs et la nougatine.
L'élan me fait perdre la notion de temps et l'infini se peins dans les moindres lieux du corps qui lui courre de l'intérieur, vit et s'appuie à la pensée qu'il est là. L'ailleurs et la mer viennent lui hurler aux pieds. Traumastisme du son qui ne s'entend pas. Ricochet. L'amour ne suffit pas à ne devenir qu'un avec le non soi, alors s'entrave à l'impossible. [C'est une femme qui se folle devant son fils, les mains ailées vers l'arrière, divine desespérée et l'armée avance et la femme ne chante plus, morte]. Toi : caresse, effleure de tout ton corps, tu ne transperceras la peau et le sang toujours seras le sien. Mais l'enfant ? L'enfant est fruit, est autre et destin. L'autre est nous et non je.
Mouvement mouvement, les inconscients discutent et les attaches se font sans nous. Les vents soulèvent les coeurs mais les remettent à leur place, bien que changés, bien que changés. Un jour. Surprise de soi, rencontre à soi. Maintenant, toujours, tout de suite ou plus tard : révélation : de nouveaux bourgeons.
Et tu m'envoies ta réussite à la figure, d'un revers de la main, les déchets s'envolent mais la trace et le coup ne partent pas. Ils s'insinuent sous la peau, blessure d'orgueil. Mais que recherches tu ? Je me courbe et la haine grandie. Tenue à terre par une bienséance grossière, le sol me supporte trop. Mon dos se soulève à la mesure de tes coups, de mes inspirations. Et j'en viens à te haïr. Et je sais que je n'ai pas le droit de bouger. Car tu es ou trop bête ou trop ... amoureux. J'éponge les plaies que tu t'aies fait en trébuchant sur ton amour de moi. J'éponge tes plaies par mon corps et je dois me taire. Déception. Compréhension. Peut être résignée mais .... compréhension. Le pire est peut être juste que tu le fais sans vouloir le savoir.
Et bien sur, chaque blessure signe un manque.
Re- connaissance ?
Et le manque de l'autre, comme toujours.
Tu les signes mes traits ?
A défaut de cela, j'en trace d'autre à coup de main sur la barre noire. Indéfiniment, surprendre l'instant et l'enfermer dans sa prison html. Port de bras le coude se déplie et s'ample. Ma tête s'engouffre dans le vide créé. Ma tête s'engouffre dans le vide. Ma tête s'engouffre.
Mais.
Ne se cambre pas.
Elle plonge dans l'eau du sens donné par le geste. Sens de beauté. Sens de libération. Sens de la musique que l'on suit. Danser c'est laisser son corps se réfugier dans un concret d'absolu, consciemment, s'abandonner à la la certitude transition. Embrasser. Danser, c'est un baiser volé à la vie.
Paradoxe.
Un peu comme Equilibre. Comme Mouvement.
Les mots clés qui tiennent un acte de ma vie. Par ce qu'ils roucoulent d'une certaine vérité. Leur enfantement comme un aboutissement d'un pan entier. Ceux qui sont devenus miens. Par ce que (ré)appropriation.