Je me laisse sans voix et je me dégoute tout autant. Il semblerait que je me penche de trop, parfois. Je me suis remise à lire régulièrement, avec le rythme symbolique d'au moins un livre par semaine depuis le début de l'année. J'ai ressenti au début, un soulagement, profond. J'avais manqué d'air, j'avais manqué de mots, d'ouvertures. Je lisais trop peu et ca me manquait. Mais maintenant j'étouffe, j'étouffe sous les pages. Je lis peut être des choses trop fortes. Je lis des livres de lecteurs qui me renvoient trop à moi même. Pourquoi je lis ? Par ce que j'aime cela ? Oui, c'est ce que j'ai toujours cru/dit/pensé. Qu'est ce qui est le plus fort ? Est ce que les études où je vais, la section où je suis ne me l'appellent pas trop aussi ? Oui et non. Pas seulement. Est ce que ma peur, d'être absolument larguée dans une (bonne) prépa va-t-elle transformer ma lecture en utilitarisme ? Vais-je cesser de lire de la poésie ? Vais-je perdre mon âme de lectrice. Certains blogs littéraires (et je ne fais là aucune généralité, loin s'en faut) m'agacent franchement à cause de la satisfaction non dissimulée du nombre de livre lu, de la satisfaction tout court, orgueilleuse du lire pour lire, de la performance en tant que telle. Certains blogs où on ne ressent pas l'amour de la lecture dans la chair. Les articles se succèdent sans folies, les titres sont sans originalités et tout est affaire de chiffre et de culture amassée. Je ne dis pas que de compter ces lectures est un mal, mais ce n'est pas un but. Je ne dis pas que critiquer un livre est sans fondements, je dis que cela ne doit pas être l'occasion d'un étalage d'orgueil, d'un "AHAHA, j'ai lu, MOI". J'ai peur de ses blogs de livre sans âme. Et si je ne prends pas de distance par rapport à cela, c'est bien par ce que cela me touche. Par ce que j'ai peur de perdre quelque chose qui fut pour moi des plus précieux et que j'ai peut être trop considéré comme acquis, dont j'ai perdu des repères. J'ai peur que mon orgueil aille ton manger, que mon immense besoin de reconnaissance (inérant à tous ou que je vis avec une intensité toute particulière ?) foute tout en l'air. Je lis trop vite pour rattraper le temps perdu, pour m'affranchir ou pour me targuer plus vite d'un savoir que je ne connais pas ? J'ai peur. Peur de ne plus pouvoir sentir les livres dans ce qu'ils ont d'essence et de me construire en façade. Mon vocabulaire me semble des fois tellement faux que j'en ai honte. Je n'oublie pas ce qu'a été la lecture pour moi, au début. Ce fut, tout d'abord, et profondément je le crois, le moyen de vivre au dehors, de rentrer dans des univers où l'identification aux personnages me permettait un voyage grand et entier, dans un univers. Ici, pas question de style à proprement parlé mais bien de mondes d'ailleurs qui me parlaient ou pas. C'était aussi, le moyen d'accéder directement à une certaine connaissance. C'était le moyen d'accéder, de faire jouer, de toucher mon intellect, sans intermédiaire, sans maitresse, parents ou que sais-je. J'étais seule avec ma tête. C'était un savoir accessible sans la figure de l'adulte. Et je sentais déjà se construire une distance avec l'autre, qui oscilla (et oscille toujours) entre fierté et désespérante, une distance désirée mais profondément redoutée, une distance accentuée ou nuancée. C'était mon orgueil, pitoyable qui cherchait un soutient, le désir d'être mieux, désir né de la profonde certitude que l'on est "moins bien", que l'excessive estime que l'on a pour vous, repose sur du vent. Sans savoir vraiment sur quoi elle pourrait reposer, peut être une perfection ou du moins une exceptionalité qui semble aussi dérisoire qu'inaccessible. Ainsi, du même coup, arrive la condamnation de l'orgueil, qui apparait blâmable en tout point. Je ne parvenais pas à mettre des mots sur tout cela mais mon engouement pour la lecture doit naitre des relations de toutes ces choses : le sentiment d'être différente, le désir de justifier une estime (ca, peut être un peu plus tard, quoique), l'envie d'apprendre, de savoir, le goût des mondes, l'envie de fuite, l'envie de voir... Tout cela qui allait développer une soif, soif de lire, qui me faisait lire toute la nuit, dès qu'une minute se présentait, une émulation intérieure qui me poussait à toujours lire des livres "plus longs", "plus durs", plus passionnants. Et je savais que je m'approchais plus vite du monde qui me convenait plus, celui des adultes, qui me semblait moins méchant (ahah), plus fascinant, plus protecteur, (plus gratifiant ?).
Mais; je pense. Qu'est ce qui fait un vrai amour de lecture ? Il n'y en a pas de pur mais m'en rendre compte me fout un coup. Le sentiment, et j'utilise ce mot dans un sens fort, qui nous lit à lecture, ce sentiment de connivence, ce sentiment n'est jamais pur. Du moins, toute sa vie. Je pense qu'on doit se construire lecteur, de même qu'on se construit écrivain, homme, soi. A la différence peut être que subjectivité, symbolisme, individualité, se caressent et se tordent avec intensité.
Le rapport à la lecture est aussi évidemment lié à notre classe, pour reprendre un vocabulaire sociologique. Si, dans notre famille, la lecture est reconnue ou déniée et cette dernière devient alors moyen de dépasser ces barrières. C'est à la fois beau et affreusement utilitaire, c'est à la fois libérer l'homme d'un certain déterminisme et le tordre encore plus (un grand traumatisme d'enfance est surement que le manichéisme du bien et du mal qui s'excluent est une belle foutaise).
Et l'utilitarisme littéraire est-il à blâmer ? Est ce une des étapes où nous devons parfois passer ? Le condamner est ce rentrer dans la mystification d'une chose qui ne résonne que si peu en réalité ? Mystifier la lecture n'est ce pas d'ailleurs nous éloigner d'elle pour nous éloigner du même coup à ce que nous avons de profondément matériel et bas ? Oui et non. Surement. Nous ne nous regardons pas en face et la lecture peut être l'un des flous soutenant mais je maintiens qu'elle a quelque chose de plus fort que tout, de transcendant qui la maintenant, dans ce statut si particulier que peuvent être celui de l'art, l'amour.
J'ai de plus en plus de mal à avoir de véritable goût littéraire car j'appréhende avec force les influences qui les façonnent. Ma classe sociale, mes rencontres. Eribon raconte dans son livre "Retour à Reims" (qui est chamboulant, c'est de là qu'est né cet amas verbal) comment, en cours de musique, les classes se dessinaient. Les petits bourgeois, fermaient les yeux à l'écoute d'une musique classique, feignant l'extase pendant que les fils d'ouvrier ricanaient. Et cet exemple, il pourrait en avoir mille, ce qu’il faut aimer ou ne pas aimer, ce qu'il faut ou non avoir lu. Tant de goûts malaxés, façonnés par notre milieu social, dont nous ne pouvons franchement nous défaire. Le peu de livres à forte inspiration sociologique que j'ai pu lire (A.Ernaux, Eribon) me font toujours froid dans le dos car, sans pourtant invoquer un déterminisme social inéluctable (qui serait au fond sans réel sens), mettent en exergue la puissance du vecteur social.
Je sens les tensions intérieures qui se fracassent au réel avec violence. J'entends la puissance sociale qui est la toile de fond, le chef d'orchestre et la toile de résonance. Vertige. Vertige. Vertige. L'humaine s'imbrique, je m'imbriqué. Mon rapport à moi, relativement torturé (comme tout le monde), perdu dans un monde de puissance. La découverte, avec l'adolescence de son individualité violente nous fait oublier le schéma social. Oh, souvent, on le SAIT. Mais, on ne le SENT pas. Et je sens trop maintenant comment ma spontanéité naturelle ne fait que hurler tout ce que je refuse, que cela vienne du plus personnel (aussi exclusivement personnel que cela puisse être) au plus formaté socialement (autant que cela puisse être, là aussi). Je ne cesse de travailler sur un moi qui m'échappe plus que je l'approche. Et, ca aussi, j'ai beau le savoir depuis longtemps, je me résolu à le sentir que depuis peu (quelques années tout au plus). Là aussi, je sais qu'il y a des choses à apposer à ces tensions, des "Deviens ce que tu es", une re-creation de soi en défaut d'une création. Je sais aussi que certaines choses sont tenaces. C'est assez drôle de se rendre compte que l'on a beau savoir que, je ne sais pas, le bonheur infini est une contraction dans les termes, que les questions sont souvent plus importances que les réponses et que ces dernières sont vouées à ne pas embrasser la radicalité qui nous rassurerait, on y croit, toujours un peu, plus ou moins, selon les périodes et les demandes de notre vie sensible. L'impossible nous est souvent impossible à penser. De même, j'énonce moi même des poncifs qui vont affreusement manquer de nuance et dont je me sentirais le besoin, intérieurement ou non, de justifier les faiblesses plus tard. La découverte du gouffre de l'individualité nous marque tellement fort que la croire restreinte en certains points nous heurte profondément, aussi riches, justifiées et dé passables que puissent être ces restrictions. Avant d'arriver à accepter ce que l'on est, il faut déjà consentir à ce qu'on ne puisse pas être autrement sur certaines choses. (Ne serais-ce que nous sommes finis ?)
Je place donc comme centrale la question de l'orgueil, à soi, au monde, à notre condition.
Au principe même de vérité, il nous lie. Si je blabate ainsi, c'est bien pour tenter d'appréhender le souffle d'un murmure de vérité. Et si on ne prend à réfléchir à l'écriture, à la lecture, c'est bien que l'on pourrait se perdre dans autre chose que soi ? Est ce vraiment le cas ? Les limites qu'on se définie sont elles recevables dans leur principe même ? Alors quoi ? L’acceptation totale de nous ? Ou est la frontière avec la résignation. Notre rapport si fort à la nature … nous sommes en tellement de points symboliquement elle et elle, symboliquement nous. J’imagine l’homme comme des horizons où l’on voudrait tracer les contours.
Mais; je pense. Qu'est ce qui fait un vrai amour de lecture ? Il n'y en a pas de pur mais m'en rendre compte me fout un coup. Le sentiment, et j'utilise ce mot dans un sens fort, qui nous lit à lecture, ce sentiment de connivence, ce sentiment n'est jamais pur. Du moins, toute sa vie. Je pense qu'on doit se construire lecteur, de même qu'on se construit écrivain, homme, soi. A la différence peut être que subjectivité, symbolisme, individualité, se caressent et se tordent avec intensité.
Le rapport à la lecture est aussi évidemment lié à notre classe, pour reprendre un vocabulaire sociologique. Si, dans notre famille, la lecture est reconnue ou déniée et cette dernière devient alors moyen de dépasser ces barrières. C'est à la fois beau et affreusement utilitaire, c'est à la fois libérer l'homme d'un certain déterminisme et le tordre encore plus (un grand traumatisme d'enfance est surement que le manichéisme du bien et du mal qui s'excluent est une belle foutaise).
Et l'utilitarisme littéraire est-il à blâmer ? Est ce une des étapes où nous devons parfois passer ? Le condamner est ce rentrer dans la mystification d'une chose qui ne résonne que si peu en réalité ? Mystifier la lecture n'est ce pas d'ailleurs nous éloigner d'elle pour nous éloigner du même coup à ce que nous avons de profondément matériel et bas ? Oui et non. Surement. Nous ne nous regardons pas en face et la lecture peut être l'un des flous soutenant mais je maintiens qu'elle a quelque chose de plus fort que tout, de transcendant qui la maintenant, dans ce statut si particulier que peuvent être celui de l'art, l'amour.
J'ai de plus en plus de mal à avoir de véritable goût littéraire car j'appréhende avec force les influences qui les façonnent. Ma classe sociale, mes rencontres. Eribon raconte dans son livre "Retour à Reims" (qui est chamboulant, c'est de là qu'est né cet amas verbal) comment, en cours de musique, les classes se dessinaient. Les petits bourgeois, fermaient les yeux à l'écoute d'une musique classique, feignant l'extase pendant que les fils d'ouvrier ricanaient. Et cet exemple, il pourrait en avoir mille, ce qu’il faut aimer ou ne pas aimer, ce qu'il faut ou non avoir lu. Tant de goûts malaxés, façonnés par notre milieu social, dont nous ne pouvons franchement nous défaire. Le peu de livres à forte inspiration sociologique que j'ai pu lire (A.Ernaux, Eribon) me font toujours froid dans le dos car, sans pourtant invoquer un déterminisme social inéluctable (qui serait au fond sans réel sens), mettent en exergue la puissance du vecteur social.
Je sens les tensions intérieures qui se fracassent au réel avec violence. J'entends la puissance sociale qui est la toile de fond, le chef d'orchestre et la toile de résonance. Vertige. Vertige. Vertige. L'humaine s'imbrique, je m'imbriqué. Mon rapport à moi, relativement torturé (comme tout le monde), perdu dans un monde de puissance. La découverte, avec l'adolescence de son individualité violente nous fait oublier le schéma social. Oh, souvent, on le SAIT. Mais, on ne le SENT pas. Et je sens trop maintenant comment ma spontanéité naturelle ne fait que hurler tout ce que je refuse, que cela vienne du plus personnel (aussi exclusivement personnel que cela puisse être) au plus formaté socialement (autant que cela puisse être, là aussi). Je ne cesse de travailler sur un moi qui m'échappe plus que je l'approche. Et, ca aussi, j'ai beau le savoir depuis longtemps, je me résolu à le sentir que depuis peu (quelques années tout au plus). Là aussi, je sais qu'il y a des choses à apposer à ces tensions, des "Deviens ce que tu es", une re-creation de soi en défaut d'une création. Je sais aussi que certaines choses sont tenaces. C'est assez drôle de se rendre compte que l'on a beau savoir que, je ne sais pas, le bonheur infini est une contraction dans les termes, que les questions sont souvent plus importances que les réponses et que ces dernières sont vouées à ne pas embrasser la radicalité qui nous rassurerait, on y croit, toujours un peu, plus ou moins, selon les périodes et les demandes de notre vie sensible. L'impossible nous est souvent impossible à penser. De même, j'énonce moi même des poncifs qui vont affreusement manquer de nuance et dont je me sentirais le besoin, intérieurement ou non, de justifier les faiblesses plus tard. La découverte du gouffre de l'individualité nous marque tellement fort que la croire restreinte en certains points nous heurte profondément, aussi riches, justifiées et dé passables que puissent être ces restrictions. Avant d'arriver à accepter ce que l'on est, il faut déjà consentir à ce qu'on ne puisse pas être autrement sur certaines choses. (Ne serais-ce que nous sommes finis ?)
Je place donc comme centrale la question de l'orgueil, à soi, au monde, à notre condition.
Au principe même de vérité, il nous lie. Si je blabate ainsi, c'est bien pour tenter d'appréhender le souffle d'un murmure de vérité. Et si on ne prend à réfléchir à l'écriture, à la lecture, c'est bien que l'on pourrait se perdre dans autre chose que soi ? Est ce vraiment le cas ? Les limites qu'on se définie sont elles recevables dans leur principe même ? Alors quoi ? L’acceptation totale de nous ? Ou est la frontière avec la résignation. Notre rapport si fort à la nature … nous sommes en tellement de points symboliquement elle et elle, symboliquement nous. J’imagine l’homme comme des horizons où l’on voudrait tracer les contours.
Ceci est un amas verbale, un fil de pensée déroulé dans l'instant, que je vous prie de le lire avec du recul, par ce que trop poncif, trop spontané, pas assez réfléchi mais écrit écrit écrit avec une certaine forcé dérisoire qui me donne envie de le poster.