Vendredi 20 octobre 2017 à 4:26


A marcher comme cela, elle en avalerait les passants, dans ses pas rapides, un espace infini où tomber. Elle se faufile pour mieux naître à la nuit qui dort et aux inspirations du soir. Le trottoir est une piste de danse silencieuse, où les couples ne sont pas encore nés, où la musique murmure à peine. L’asphalte est une promesse à chaque pas renouvelée. Pourtant, il lui avait fallu tellement de force pour apparaître au-dehors, tellement de batailles contre soi. Mais elle était là, dans cette rue, protégée par l’immensité de la ville, autour. L’ombre des immeubles défile et se joue des reflets. Dans une euphorie amère, elle voudrait crier encore, pleurer peut-être et chanter un peu.

Tell me what all this is about. In the rumours of ancient pains, the deep feeling of you. Are you the one who could protect me from my-self, and the sound of the broken vase. Everything, anything and the cold of the night. Anyway, I still believe in you, with all my energy and my soul. Anyway, anyway.

Dans un souffle plus profond, j’aurais aimé émerger des vagues et des embruns, dans une nouvelle valse au soleil et à l’espoir, dans un faisceau de lune. Je dis : « puisse la nuit m’envelopper encore ». Je dis et je t’appelle dans le creux de mes yeux secs, à peine ouvert. Je parle à un livre et à un son en murmurant une prose cathartique et presque belle, en faisant rouler ma voix du haut de mes ivresses solitaires. J’attends le réveil du gouffre, ou l’impression de basculer. J’attends que l’espoir soit haut et que je puisse tourner encore.

Et puis les mouvements de tes yeux bruns dans cet instant qui est là, quand la lune récite silencieusement des fragments de poème. Il fait si beau quand le vent souffle à faire trembler l’extérieur.

Tu vois comme les choses sont belles quand on les invente ensemble. Tu vois comme je peux écrire à nouveau. Tu vois comme je peux tracer à la force mon intérieur l’essence de ma bouche en quelques battements. Tu vois ce qui m’échappe à travers les lignes, dans ce bruissement rauque. Tu vois que je voudrais toujours vivre ainsi, dans l’état du corps et la distillation de l’esprit. J’ai la tête qui frappe et j’enfuis les pensées qui s’y glissent. Il suffit de grignoter la douleur, tout autant qu’elle nous grignote, et qu’elle fuse, et qu’elle s’insinue. Comme une étrangeté à soi, un peu plus tangible. Pas plus bizarre que tous les ruisseaux qui me font.

Comme un faisceau qui se meut dans une étrange obscurité douce, je m’invente un fil, silence. Je déroule les attentions qui nous viennent et les pelures d’aurores comme autant de pétales. Je roule sur une route à tracer les partitions de notre aisance, et de tout ce que nous ne savons pas. Il faudrait faire vibrer encore les paumes de tes mains et la carence sincère des souvenirs en dentelles.

 

*

 

Elle était dans un café clos, dans l’arrondissement numéro 18, à regarder ailleurs pour ne pas voir ce couple étrange. La différence d’âge et l’avidité sensuelle de cet homme trop empressé qui s'entrechoque avec la lenteur candide de la jeune femme qui détache chacun de ses mots. L’alcool, plus tard, lui brule la gorge, et c’est réconfortant, de se rappeler à son corps, parfois. Les mots marquent l’arrêt, parfois; mais la soirée apporte son flux. Et elle parle avec un détachement de circonstance alors que ce sont des pans de fatigue qui se pressent, qui charrient une anxiété sourde et des jalons de bonheur, ou du moins d’espoir. Elle pourrait faire le jeu, mais elle tente la ligne, l’extrémité du terrain, pour voir comment rebondissent les non-dits et les pensées mal formulées, les instances de suspens et les bouteilles à la mer.

J’aurais aimé combler une nouvelle fois le tableau des représentations. Je me retrouve à lutter avec une fatigue. J’ai le corps las, de plus en plus lourd, et mon seul muscle demande du repos. Mais j’attrape chaque syllabe, alors que les assauts du sommeil se font plus lourd. J’aurais aimé combler à l’infini des pages sincères des bribes abattues et des fractures sensibles. Je voudrais continuer de porter à l’automatisme des sensations oubliées, lorsque la phrase est à l’horizon, au fond, au seuil de l’océan.

J’aurais aimé voir le jour poindre, et croître, dans le mystère de l’aube.

 *

J’ai mes propres refrains, comme des litanies

*

Musique
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Jeudi 12 octobre 2017 à 2:49

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Il y a ce sentiment que mon esprit n’arrive pas à attraper. J’aime quand la fatigue frappe doucement, seulement doucement à l’orée de ma tête. J’aime que la musique se glisse dans les figures et coule, coule, coule. J’ai l’esprit fatigué qui ne cesse de bourdonner, de fuir et de se réveiller toujours. Je ne sais quoi faire de cette douleur qui me picote l’échine, et retrouver l’errance. Alors, le refuge de la nuit, pour se murmurer une quiétude absolue.

Je n’ai pas pleuré car je ne vais y voir que forcée, comme toujours. Je me relève et j’encaisse avec l’impression dramatique que tout cela n’est sans fin. Je suis partagée. Partagée entre l’impression que cette hébétude est de trop, trop longue et ridicule et le sentiment qu’il serait légitime, quand même, de prendre le temps, qu’il est normal de se sentir sonnée et peut-être même, triste.

Il faudrait avoir le courage de remonter le cours de mes pensées et de jeter tant de déchets à la mer. Ou peut-être, encore, continuer un peu ce chemin-là. Encore un peu.

Ca a été dur, quand même.

Et j’aimerais m’adresser,

Pour faire éclore les voix qui me rongent, me hurlent et me sourient.

Faudrait-il écrire pour tout poser, et parfois même entendre ?

Noter les sentiments disparates, et dessiner une nouvelle fois avec des mots. Prendre le temps de l’esquisse. Prendre le temps, un jour. Je n’arrive plus à me couler dans autre chose que ces objectifs colossaux, peut-être. Il est quelque chose qui me définit et que je tiens à bout de bras, comme beaucoup de choses. Partagée (encore) entre la volonté de mieux faire et celle d’envoyer valser ces injonctions à la performance qui vient ronger chaque parcelle de notre vie.

J’aime quand même ces bribes que je tisse. Un peu à la vas-vite, soutenue et dans le corps de la nuit.



Musique

Vendredi 6 octobre 2017 à 12:47

Rien ne s’était passé comme prévu. Il m’appelle et il me dit « je crois que la liste est là ». De l’autre côté de la pièce, elle regarde une vidéo et moi j’ai mon monde qui s’effondre « je ne suis pas dessus ? ». Je garde une contenance en me saisissant de mon ordinateur, quelque chose qui résonne à tout rompre en moi. Et puis, l’espoir que si, j’y suis, et que c’est pour me laisser la surprise. La liste défile devant moi. Je n’y suis pas, je n’y suis pas, je n’y suis pas.

J’avais l’espoir, mais je n’y suis pas. La partition ne s’est pas jouée comme tous ces films, là, où le chemin mené d’embuches, de fatigues, d’efforts (résumé parfois en quelques plans) mène à cette scène où, oui, l’héroïne est sur la liste. Je n’y suis pas. Je suis triste car je n’y suis pas. J’ai passé pas mal de concours dans ma vie, avec ce luxe que ceux que je n’ai pas eu ne m’intéressaient pas. Celui-ci, j’y allais pragmatiquement et je le voulais. Je ne passe pas la première étape.

C’est amer mais là, au lendemain, je me sens juste fatiguée. J’aurais aimé que cela soit plus simple. Je suis un peu perdue dans ma journée, dans ma semaine, avec tout ça qui tombe plus tôt, et puis la fin du chemin, un peu brutale. Je me dis simplement que je n’ai pas été à la hauteur ou, tout du moins, qu’on a été meilleur que moi. Je sais qu’il va fallait recommencer à « chercher », quoi faire, prendre de nouvelles décisions. Des angoisses à venir. J’aimerais que tout se passe très vite, comme quand je me mets à ranger, presque avec fureur. Mais j’aurai besoin de temps, pour réaliser, réfléchir un peu. Mais l’argent va jouer la montre, au moins virtuellement. Des années que j’ai désormais une visibilité sur ma vie à quelques mois, et ce n’est pas fini, du coup. Pourtant, des années que j’aimerais « me poser », dans quelque chose de tranquille, pas trop injuste et puis voilà, me lover dans une routine un peu stable, avec un peu d’argent et mon copain, et mes amies. Je ne prétends pas avoir des désirs forts et hauts. J’aimerais me reposer longtemps, je crois. Je voudrais que tout ça passe très vite, oui. Qu’on arrache un nouveau membre, si besoin. Qu’on cautérise au feu, et ça peut accélérer les choses. Mais la perspective, c’est plutôt, une énième période de transition, d’attente et de flous, et puis des questions, des culpabilités (l’argent, l’argent), un peu de découragement (mais ça je sais faire). Je sais que je vais, comme on me le dit, « rebondir », je sais juste que cela ne va pas être agréable et j’aurais aimé ne pas avoir à vivre cela. Je ne m’inquiète pas, au fond, j’appréhende juste d’ouvrir la période qui s’annonce, de gérer les projections, les envies, la fatigue, la santé mentale, le « j’en-peux-plus-je-veux-juste-que-ça-se-finisse ». Et puis, l’amour que je reçois autour de moi, dans ces diverses formes, rejeter au creux de moi ces petites voix criardes qui disent que je ne mérite rien (parfois, quand c’est trop fort, je n’écoute plus la personne devant moi, ou son message. Les mots se détachent lentement et deviennent glacés : « on ne parle pas de moi, on se trompe »). Tellement de temps perdu, mais je retrouverai tout ça plus tard, j’imagine. Et j’entends ces choses quand même, je le crois.

Je ne sais pas si je résisterai, ou si c’est même important, à faire l’inventaire de mes regrets. Disons, faut-il mieux le faire consciemment que de laisser les couleuvres siphonner des choses en contre-bas. Dire « je pense que j’aurais pu et du plus travailler », au-delà de tout concept de vérité ou de justesse. Dire, et écrire. Envoyer des bouteilles à la mer de mon propre esprit, et des gens que j’aime. Pouvoir aller dans les bras de Guillaume et lui demander : « je ne t’ai pas déçu ? ». Ce matin, enfin hier soir, j’ai envoyé « tu as honte de moi ? ». Il m’a dit « Tu vas très loin là… (autre message ensuite) : évidemment non ». J’aimerais aller à la mer et lire lentement un poème, pour qu’il s’égraine le long des vagues et que cela me fasse du bien, que cela me soigne. J’aimerais partir loin et ressentir l’adrénaline de l’avion, de l’aventure facile. Il faudra peut-être que je pleure beaucoup – je me retiens là. C’est la musique, mais je vais avoir envie de pleurer pour tout, peut-être, ou bien je vais me retenir fort.

Je laisse mon esprit s’approprier les choses, avec les mots, avec les concepts (c’est comme ça que je vis, moi), avec les images parfois quand je ne sais pas. Est-ce que c’est retrouver une forme de contrôle ? Une manière de faire naviguer ma tristesse et ma déception dans des eaux connues. Tumultueuses mais connues, dans le creux du lit d’un fleur immense qui me traverse toujours. Penser à respirer, aussi.

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