Dimanche 30 décembre 2018 à 2:59

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Je capture le temps, dans le silence de la nuit ; ses fumées blanches et roses aux allures de fleurs, et la nostalgie éparse dans les refrains des couloirs.

Dans cette chambre-là, j’ai beaucoup vécu. Les objets, les couleurs et les murs. Tout est habité. Je pourrais revoir les images des meubles qui bougent, leur disposition, les changements opérés et les affiches que l’on détache. C’est un Lieu. J’ai changé de place, et j’ai changé d’attitude. Depuis longtemps déjà, je ne suis plus assise au bureau, même pour travailler. Depuis longtemps. Ma place, désormais, c’est sur le lit, au coin de la pièce, la vision sur les bibliothèques, peu à peu agrandies, mille fois rangées. Je me souviens des amies et des amants. Des conversations le soir, tout au cœur de la nuit. Je me souviens des cris étouffés et le corps secoué d’émotions. Je vois défiler comme un film certaines scènes de moi : le corps qui danse de joie ou bien contraint, au plus profond de lui-même, par le chagrin. Tous ces flux qui me parcourent, et ces millions de musiques. Le présent s’y insinue, puisqu’il s’y vit, maintenant que je « n’habite » plus là. Pourtant, c’est tant de moi(s) qui vibrent ici. J’ai ces vertiges innommables à l’idée de perdre ces souvenirs. Parfois, une angoisse inconnue qui monte, celle que, justement, plus rien ne viennent refaire surface et que les fibres de mon corps me soient tout à fait inconnus.

C’est un murmure silencieux, et chaque objet, et chaque vide, et chaque écho. Regarde ces visages à travers les lignes, les mots étendus dans ma chair, l’odeur de l’amour, les crispations logées dans les interstices. Je rêve beaucoup d’anciennes personnes dans cette chambre. Des visages comme des symboles. Ici et là-bas, comme la matérialisation suspendue, momentanée mais puissante, de ces liens, ces liens révélés par une poussière dorée, qui vient d’un coup, tracer d’une lumière claire. Je voudrais me laisser happer entière, parfois, pour être sûre de me retrouver. Je voudrais tout écrire, et peut-être même tout inventer. Je voudrais pouvoir pousser de mes paumes les murs de cette nuit et y rêver longtemps. Je voudrais être sûre… Je voudrais être sûre… de quelque chose. De quelque chose de moi ?

J’écoute les émotions qui grondent dans le creux de ma poitrine, comme une mer jamais tout à fait calme. Paraît-il qu’il faudrait parfois les laisser déborder de moi, vraiment. Je préfère, pour l’instant, en tapisser les murs. Le papier peint vert les accueille comme toujours, dans sa couleur éclatante. Je me sens constellée dans un lieu qui m’habite autant que je l’habite. Je me sens attachée et liée aux murs en pierre de cette maison, à la résonnance mille fois repeinte des accueils et des histoires.

Ce lieu, je crois, je ne l’ai jamais haï. Ni ma chambre, ni cette maison. Je l’ai même, toujours aimé, aussi loin que je m’en souvienne. C’est qu’elle est née, de nouveau, avec moi ; mon berceau au milieu des travaux, et, plus tard, la petite fille en robe colorée dans les pièces en construction. C’est sûrement cette force-là, maintes fois décrite, d’avoir un chez-soi. La puissance entière des murs en granits, le lien profond des escaliers en bois. Et nous, entre ces murs, qui vont et qui viennent, tapissent et remballent. Nous quatre, puis nous trois, puis nous quatre, et les autres. C’est accueillant, ici, il y a de la place et on aime recevoir.

Je suis située et ancrée dans cet espace cadré de pierre, au bord d’une forêt, d’un espace immense, « à défendre » puis défendu. J’ai parcouru ces étendues ; je me suis aussi beaucoup terré, dans ma chambre, espace dans l’espace, pour mieux y visiter mon être, pour me reposer du monde et pour y écouler ma douleur.

Aussi, j’y ai beaucoup écrit.


Musique [.que] - In Fog 

Dimanche 23 décembre 2018 à 19:40

C’est comme une douleur dans le creux de l’épaule, une vague de tristesse logée dans une montagne avancée. Dans l’extrait d’amour des horizons balancés je cherche dans les mots un mouvement de fuite, dans la cadence ralentie mais régulière du bruit du clavier, une présence rassurance pendant que mon vide grandit et que les expressions d’ailleurs me filent l’entière peur de vivre.

 

Dimanche 9 décembre 2018 à 4:30

La combinaison de mon cœur qui s'ébranle, et des absolus qui ne cessent de m'envahir. C'est beaucoup trop tôt, beaucoup trop tôt. Je jette les horizons d'une dernière flamme. Et dans les instants fermés, je voudrais que tu joues. C'est beaucoup trop fort, comme ce qui me consume. C'est beaucoup trop fort, que dis-je. Il y a cette immensité qui me parle et qui vient noyer ma colère. La colère du monde à soi que les branches attisent. Et puis, c'est un sursaut étendu qui m'embrasserait soudain.

Ce sont des peurs abyssales, c'est ce fleuve qui irrigue ma poitrine. Ce sont des vagues qui viennent frapper les barrières de mes poumons. Tu vois ?

J'entamerai l'élégie des espérances le jour où tu seras définitivement brulé.

Pourtant, il y a dans les jours qui viennent les racines de ce qui me pèse. Celui qui est entré n'entrevoit pas les échos de mes pas sur le plancher entendu, et les portes qui claquent dans bruit dans l'intimité du monde. J'aurais voulu te dire et que tu me répondes. J'ai l'espoir de t'atteindre.

***

Cette musique m’atteint toujours. Elle porte en elle des couches de souvenirs. C’est cette pureté du chagrin, peut-être, qui me fascine autant. Je me revois au bord du gouffre, mes pleurs qui viennent rouler, glisser dans ce précipice. Et j’ai peur. J’ai peur car le courant est si fort ; j’ai l’impression que je pourrais être noyée par mes propres larmes. Dans ce minuscule espace du XVIème arrondissement, j’ai l’impression qu’une digue qui vient de rompre. J’avais seulement voulu sonder ma tristesse, chercher de l’inspiration et les reflets de mon être. La marée était trop haute. J’aurais voulu courir plus vite, encore. Il fallait tout arrêter car je contemplais l’immensité du chagrin et je n’en voyais ni le début, ni la fin, je voyais juste mon corps secoué, les apparences de la mort, au long, la brassée des images et la morsure de la vie. J’ai vu à travers moi le flux qui se déchaîne, j’ai vu cette attirance en moi de me laisser finalement jeter à même le temps, déchirée, disparue.

Cette cadence entendue et les images qu’elles soulèvent viennent se loger dans ce que je crois vrai. C’est le souffle profond de ce qui s’anime. Des lumières élevées de la neige aux suffocations intenses de la tristesse qui me broie.

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