© Andrea Tomas Prato Alice’s Art
Ce matin, j'ai été réveillée par le réveil de G². Il est sorti du lit se raser et je me suis rendormie, d'abord en saccades puis profondément. Alors que je me disais pour la millième fois qu'il fallait que je me lève il est revenu vers moi "il faut se lever". Je suis sortie du lit d'un coup. Cette fois, il avait bien compris que je n'aimais pas me lever "au dernier moment" et être en retard. J'ai eu le temps de me maquiller, de m'habiller tranquillement. Pourtant, arrivée à mon bureau, je me suis rendue compte que j'étais encore en sommeil. Dans la douceur anesthésiante du sommeil. Et mon esprit, face au "travail", aux rapports à relire, aux colonnes à remplir s'en allait simplement. Il s'envolait ailleurs. J'ai mis de la musique, mais au lieu de me réveiller, cela m'a replongé dans une torpeur toute poétique (dans la mesure où grandissait en moi l'impression d'une sursensibilité à mon environnement et à la douceur qui semblait être lovée et continuer d'éclore en moi).
Je ne sais plus exactement comment mais j'ai ouvert, entre les mille onglets de d'habitude, deux nouvelles pages internet: la page d'écriture d'un nouvel article et mon blog. Et j'ai commencé à relire les articles. Je ne les lisais pas tous, surtout au début car je les avais toujours assez bien en tête. Mais peu à peu, je m'arrêtais pour lire, et les articles et parfois même les commentaires.
Il y avait la surprise de retrouver le texte avec des yeux neufs et de ressentir l'émotion que j'avais voulu poser ou transmettre se détacher des mots pour venir me saisir (moi qui était alors dans la position de la lectrice). Puis le texte reprenait - à des degrés divers mais parfois de manière étonnamment distincte - la place dans son temps, et je retrouvais celle qui l'avait écrite, les signifiés que j'avais eu en tête pour telle ou telle chose. A enfiler les pages, les émotions se succédaient avec grande densité, de même que les fils de mon passé, qui réapparaissaient soudain et venaient se tisser les uns aux autres.
Cette somnolence, paradoxale puisqu'elle m'apparaissait tout autant comme une sorte d'état d'éveil profond, m'a accompagnée toute la journée. Et j'ai lu, lu, lu ces mots que moi-même j'avais écris et que je redécouvrais. Avec la bienveillance qu'apporte un peu de recul mais avec la force et la puissance que procurent ces émotions revécues, ces vagues, ces valises de souvenirs sans cesse déposées. J'étais émotionnellement de plus en plus fatiguée mais je me sentais de plus en plus sensible et dans un état de semi-conscience clair. A un moment, j'ai senti que les textes me parlaient moins, et j'étais presque écœurée d'un trop plein de mots. Je ne pouvais plus lire les textes en entier, comme si j'avais trop "mangé". J'ai fermé mon blog, de toutes façons il était tard. J'avais jeté quelques phrases dans l'onglet d'à côté. Je les ai postées sans les relire ("non non, j'en peux vraiment plus, merci") mais avec une certaine forme de confiance ("oui, mettez les moi dans une boîte, je les mangerai demain").
Un peu plus tard dans la soirée, j'ai commencé à lire des mails échangés avec J. Et le flux qui m'habitait depuis le matin a comme repris son cours, dans son élan recommencé de souvenirs, de redécouverte et de relecture. J'ai relu de belles choses et de belles attentions. J'y ai vu une belle relation, et j'ai été fière.
Dans ce mélange de douceur, d'émotions puissantes, de souvenirs, j'y ai senti quelque chose comme une recherche de sens mais surtout, l'élan d'une réparation et d'une bienveillance de mes yeux face à ma vie.
Une partie de moi aimerait encore avoir l'énergie pour se penser cette fois à travers les échos qui me reviennent. Réfléchir sur cette relation à J., sur ce que j'ai vu éclore à nouveau devant mes yeux, sur l'écriture. Sur ces évènements clés que j'ai pensé à écrire ou suggérer et qui viennent architecturer mon existence, à ceux que je n'ai pas écris et qui demeurent pourtant, dans une forme invisible (et dans quelle manière alors, cette architecture est réécriture ?), sur le fait que cela se produit alors même qu'il semblerait que je commence une relation avec G² (et il y a dans cette apparition quelque chose de sa propre bienveillance).
Je me suis aussi souvenue de toutes les personnes qui passaient ou passent ici, les individualités sous pseudo qui parfois sont encore dans les parages, parfois qui renvoient systématiquement à des liens morts (et parfois, quand je relis des mots, et que je me souviens de la relation que nous avions, même par commentaires interposés pendant une petite période ou à une petite fréquence, il y a quelque chose d'un regret et d'un "oh, mais que devient-il/elle?)
mais mes yeux sont de plus en plus envahis par la fatigue et j'ai la sensation que je vais dormir d'un sommeil profond.
A bientôt :)