J’aime et je déteste ces questions de fin d'années, celles où l’on se demande ce que l’on a fait, ce qui a abouti, à l’heure des bilans et des résolutions. On fait la liste des voyages, des réussites, des réalisations concrètes. Et je sens mon esprit qui peine à prendre prise, qui visualise plutôt des formes vagues, des impressions et des flous. Le sentiment doux de quelque chose qui respire, enfin. Sur le papier, mon année ne brille pas. J’ai préparé des concours, j’ai beaucoup étudié, j’ai travaillé en plus, quelques mois. J’ai traversé des phases d’apathie qui m’ont pas mal stressé. Pour l’instant, rien n’a about, rien de concret.
Pourtant, j’ai le sentiment d’avoir passé une bonne année. En dehors du fait que le fait d’être encore dépendante financièrement me fait culpabiliser, j’ai l’impression que j’ai continué à consolider un équilibre. Finalement, je me suis prise au jeu des concours et je suis allée chercher des forces en moi que je ne pensais ne jamais pouvoir trouver. Pour la première fois de ma vie j’ai réussi à m’astreindre, sur des temps certes limités mais supérieurs à quelques jours, à un travail régulier, sur des choses sur je n’ai jamais réussi à faire (de l’apprentissage par cœur). J’ai appris à continuer à avoir une approche plus dépassionnée de tout cela, à mieux gérer mon anxiété, à même trouver quelque chose de grisant dans l’adrénaline et dans l’effort.
Une partie de moi a toujours eu l’impression que j’étais incapable d’effort et de volonté, par ce que je me représentais l’effort d’une seule et même manière et que j’ai toujours travaillé différemment. Même si je sais que cette vision est faussée, cela m’a rassuré sur moi-même de voir que je pouvais me détacher, ou plutôt, adapter mes cadres de fonctionnement lorsque cela était nécessaire. Ce n’était pas forcément facile (mais préparer un concours, ce n’est pas facile de toutes façons), mais je pense que c’était gratifiant. D’une certaine manière, et c’est sûrement dérisoire, peut-être même ridicule, je suis contente de voir que j’ai réussi à m’astreindre à bachoter. J’ai fait tant d’années d’études, et cela ne me servira sûrement plus jamais, mais j’ai réussi. Avec ma méthode, mes petits logiciels, mais j’ai réussi. C’est complémentaire avec le reste, et cela m’a permis de ne pas avoir l’impression de partir perdante. Et puis, même si je n’ai pas été admissible à l’ENA, cela ne s’est joué qu’à un point. Pour beaucoup, ça serait très (trop) frustrant mais j’ai été soulagée de voir le résultat de mes efforts, même si cela n’a pas suffi.
Mes études me prennent et m’ont pris beaucoup d’énergie, de temps. J’ai l’impression aujourd’hui d’être une athlète, en fait. Je m’entraîne régulièrement, je passe des épreuves et des concours, j’attends mon score en levant les yeux vers un écran noir, et je continue. Je suis fatiguée, j’en ai marre, mais je me dis « encore une, allez ». Les muscles à chaque fois un peu plus fatigués mais gainés par l’expérience. Sujet – plan – rédaction. Je me concentre intensément, je donne ce que je peux donner avec l’énergie du moment, j’espère que le brin de chance sera avec moi, et je continue. Et si rien n’aboutit de cette manière, il faudra redérouler l’autre fil, celui des lettres de motivation et des entretiens.
Cette année, j’ai appris à être plus solide vis-à-vis de tout cela. Je m’implique moins émotionnellement. J’accepte plus mes émotions, j’apprends à envisager et accepter l’échec, à apprivoiser le stress, à me concentrer à répétition. A force d’échéances, d’épreuves écrites, je suis entraînée.
Les moments de rage viennent quand la fatigue se fait trop grande et que mon cerveau, mon corps ne répondent plus, que je tombe dans ces périodes où je n’arrive pas à travailler, que je voudrais frapper mon esprit comme on frapperait des jambes trop épuisées pour continuer à courir. Dans ces moments là, j’ai l’impression d’être assaillie de toutes parts par la fatigue. Et cela irait si j’étais sûre de pouvoir repartir, mais j’ai toujours ce doute, de ne réussir à m’y remettre que « trop tard ». Ces moments de rage où l’on voudrait repartir mais que l’on est épuisé. J’avais l’impression d’être si faible et si impuissante. Mais j’y suis retournée, pour un dernier tour. Maintenant on croise les doigts.
J’ai pris des vraies vacances, un peu longue, pour la première fois depuis longtemps et cela me fait du bien. J’ai bougé à Marseille, Nantes et Lyon. J’ai arrêté de penser à tout cela.
Finalement, sur le papier, mon année a été énormément contrainte par mes études. C’est sûrement la première fois que je fais l’expérience de cet état où l’anxiété est diffuse car il faudrait travailler tout le temps. J’ai toujours fait des études comme cela, mais c’est la première année où cela m’atteint. Du coup, il n’y a jamais vraiment de pauses. Donc comme ça, 2017, elle apparaît sûrement grise, et bornée.
Mais moi elle m’a permis de mettre à l’épreuve mon équilibre et de voir qu’il est tellement plus solide. J’ai appris à être plus bienveillante avec moi-même, à mieux gérer mon stress et mon travail. J’ai même appris, timidement, le dernier mois de l’année, à formuler des demandes de soutien à mes ami.e.s, à exprimer des besoins que je ressentais.
Sur le papier, mon année 2017 n’entre pas dans les cases, car j’ai appris sur moi et j’ai l’impression de récolter ce que j’ai planté il y a longtemps. Et surtout, ce qui me nourrit profondément, ce sont les personnes qui m’entourent. Tout réside dans cet amour, toujours plus grand, sans cesse (ré)conforté que je porte à mon amoureux, à ma famille, à mes ami.e.s. Je suis tellement reconnaissante de cela, j’apprends à l’accepter, à cesser de craindre que tout puisse s’écrouler d’un coup, à voir les fantômes de la dépression qui s’éloignent. S’il fallait faire des listes et effacer les nuances, j’inscrirai peut être les deux week-end que j’ai fait à l’étranger, mais surtout, surtout, ça serait ma relation avec G., ma famille, mes amies, et les nouvelles rencontres.
2018 est dans la continuité de mes dernières années, avec beaucoup de points de suspensions et d'attente, avec une vision de ma vie à quelques mois, tout au plus. J'aimerais continuer à récolter des choses positives, à raffermir mon équilibre. J'aimerais aussi continuer à écrire.