Il roulait son nez dans le contour d’une clope, la silhouette enfumée dans l’horizon du soir. Son regard fuyait dans les étoiles à en avoir le vertige, perdu dans la poésie facile. Il caressait du doigt la surface brouillée de la table en verre, en appuyant fort, pour dessiner des lettres qui ne formaient pas de mots, pour mélanger des signes sur la transparence brisée.
Il regardait son verre avec la tentation de l’ivresse mais le monde autour de lui tournait déjà. Pensif, il sentait sa peur devant le murmure de cet appel au trouble, ces exceptions accumulées qui sentaient déjà la légèreté au présent, contre la pesanteur future. Pensif, il déshabillait les bulles de sa bière et serrait les lèvres comme quand il résiste à son désir. Ne regarde pas en bas, ne regarde surtout pas en bas. Trop tard, ses yeux sont kidnappés par le son d’une porte qui s’ouvre. L’espoir s’y engouffrait qu’il était déjà perdu. L’entrée est ailleurs et la rencontre échoue. L’équilibre d’un désespoir entier se fracasse avec le même bruit métallique des clés dans la serrure, d’à côté. Désespéré, il se raccroche au verre qui glisse entre ses lèvres. Mais il a regardé en bas.
Alors, reculant dans le gris de ses yeux, pressé par la chute, il pleure. Des petites larmes succombées qui viennent lui embrasser les yeux, puis, la fureur alanguie lui remplie les paupières. Il étouffe de ses larmes en regardant le ciel, comme pour dramatiser une chute en pathétique : raccrocher aux astres la folie d’un espoir. Les choses se précipitent et il tombe tout entier en débris, ces miettes de soi qu’il ne cesse de jeter par la fenêtre depuis qu’elle n’est plus là. Mais cela ne suffit pas. Il se met à boire, àprendre les souvenirs à pleine bouteille et les vider cul sec, en folie, dans l’instant, faire valser son foie dans le bonheur d’hier, dans ses « nous deux » qui ne sont plus que connerie. Il se soûle au désir de leur corps qui ne se trouveront plus, aux sourires grandis de chaque matin ensemble, où elle était belle mais il n’avait rien dit. Il boit au passé pour mieux en vomir. Il s’épuise et il respire en soulevant sa poitrine. La criblée de balle de la vie lui ravale les poumons. Vaincu. Il retrouve dans l’écho d’un berceau, le souvenir de violence qui le raccroche au monde. Dors, mon enfant. Son esprit continue de filer : « Et s'il abandonne ? Qu'à reste -t'il ? Les chants mal-abris des formules oubliées ? De celles, qui ne s'oublient pas, mais s'enterrent. » Ses yeux le brulent. Mais il s’en rêve.
(Sinon, le soleil, les autres et le bordel qui s'en découle. Ca va)
C'est toujours très poétique.
Un moment d'envol dans la vie de cet homme, un partage léger de sa souffrance, j'imagine un balcon, une table, le verre de bière et la cigarette, j'imagine très bien, je le visualise.
Et j'aime beaucoup déshabiller les bulles.