Jeudi 16 mars 2017 à 12:00

Je lui dis : « Tu le sais, non ? Que j’ai été très amoureuse de toi…». Je détourne rapidement mon regard. Il ne répond pas tout de suite, il réfléchit en silence, tournant dans sa tête les idées et les mots, comme quand il écrit à la main ses emails avant de les recopier, soigneusement. Je n’aime pas toujours ses silences. Mon esprit creuse à même l’ego et flotte dans l'air l’odeur de la panique. Mais je le comprends mieux, maintenant. Comme on surveille un feu qui pourrait s’éteindre à chaque instant, j’ai appris à anticiper nos peurs, dans ces moments là. Une succession d’espaces courts, sur un fil, et d’envolées à saisir, au bord d’un vide qui ne serait qu’une forme d’ennui, ces conversations banales où je déroule l’avancement de ma vie.

Je m’applique à tourner ma langue dans ma bouche, et j’attends. J’ajoute quand même « Enfin… c’était il y a longtemps, maintenant. ». Je souris un peu nerveusement. J’ai souvent pensé à ce moment-là. J’ai souvent pensé à cette manière de le dire, faussement détaché. Je regarde mes mains, comme pour les ralentir, les empêcher de me traduire. Je résiste à l’envie de provoquer un brusque changement de sujet, qu’il accepterait. Je suis curieuse, bien sûr.

Je l’entends chercher ses mots, s’excuser peut-être, et je l’attends. « Ce n’était pas vraiment de moi », dit-il. « Ce n’est jamais vraiment de l’autre, dont il s’agit » je réponds, très vite, trop vite. Je savais qu’il allait dire cela. La déception me mord quand même l’échine, brusquement. Je soupire. J’ai envie de partir, d’un coup. Ses yeux tournés vers moi, il sourit. Moi, j’ai toujours aimé qu’il me regarde comme ça. C’est sincère, comme une gourmandise. J’ai, à mon tour, des milliers de mots à l’assaut de mes lèvres, et je ne sais pas. Ils résonnent dans mon esprit comme autant de tons, de couleurs, de personnages. Devrais-je me déguiser ? Serait-ce alors un déguisement ? Je lui souris. Lui, je crois qu’il chérit les silences. Dans le calme qui s’apprivoise, l’ivresse des pensées, des sentiments lointains, du bonheur d’être ici et du temps parcouru. Il dit: « Tu sais à quel point je t’admire ».

J’aurais beau avoir repeint toujours les élégances de mes souvenirs, j’ai en toi quelque chose que j’aime. Le miroir est si lointain, et ces espaces immenses, que je ne sens plus grand chose au bout des doigts de ma mémoire. Des mots parfois relus et nos silences renouvelés. Le battement de mon cœur et la continuité du lien, comme ce voyage que l’on construit à même nos peaux.

Je souris, et je saisis mon verre, j’aurais envie d’être ivre, comme pour avoir les moyens de me confronter à cette curiosité-là. Je rougis comme une adolescente (oui, exactement comme avant) et un sourire. Cette chaleur au creux de moi, et puis les mots qui se pressent, les pensées éparpillées, en feu d’artifice. Je ris un peu, « je sais ». Je sais ce regard, je sais. Ses yeux sont fixés en moi comme pour me dire qu’il ne sait pas dire, qu’il faudrait écrire mais qu’il ne le veut pas.

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Chuchoter à l'oreille









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