Après, il y a vote, jury etc. Mais j'avoue que j'ai avant tout participé pour retrouver quelque chose de l'atelier d'écriture que je faisais en première/terminale, et pour me "contraindre" à écrire (surtout dans la période de concours qui arrive). Le principe d'introduire des mots, qui m'a d'abord un peu effrayé/rebutée s'est finalement révélé très stimulant ! J'ai beaucoup aimé gribouillé ce texte, en fait.
Dans le creux de la nuit, il sillonne les rues. La fraicheur lui pénètre la peau, et les ombres le menacent comme des scies égoïnes. Au sein de la ville, il accumule les pas, et erre à travers les carrefours, comme une âme perdue, comme une âme en peine, comme une âme. Sa respiration est douce, et couve la fumée blanche qui sort de sa bouche et s’enroule autour de l’obscurité avec des langueurs de chat. Sa pérégrination n’est pas une fuite, il s’agit bien plutôt de s’explorer à travers la matière dense de la nuit, se chercher dans le bal des ombres, à la lumières des réverbères, dont certains grésillent avec un tremblement ésotérique. Il s’agit de scruter, de vivre et de comprendre. L’absence est lourde, et tombe comme une pluie sur les frêles épaules de l’homme qui va. Les arbres rachitiques des boulevards immenses le regardent, lui, pedibus, et il leur sourit, comme pour s’excuser.
Au coin de la rue Mistral, un caboulot mal famé, tenu par une virago à la mauvaise humeur légendaire, « humeur de verrat hépatique » comme disait Jean. L’homme sourit au souvenir de ce bon mot. L’homme sourit au souvenir de son ami. « Viens, mon gars, je serai ton cicérone, dans le labyrinthe ténu de la nuit, dans la douleur écarlate que les femmes font naître. Allez, viens boire un coup. C’est le haut prêtre du vin, l’empereur toujours célébré du Lacryma Christi qui te le demande ! On aura l’absolution à cautèle, et sous le signe du bonheur! ». Il se souvient d’autres paroles de ce compagnon de la nuit, son esprit et son allure, la courbure étrange de ses bras, la finesse de ses mains, et son humour étrange, et sa culture immense. Pourquoi ses pas l’avaient-ils mené là ? L’absence n’en est que plus cruelle, éclairée soudain par la malice, le sourire, et les yeux rieurs de Jean. Les souvenirs l’assaillaient, les images défilent dans une ivresse macabre, un délire de douleurs : ces nuits passées à chanter la procrastination, à écrire l’éloge de la paresse, ces après-midi brumeuses à parcourir la ville...
Les pas buttent sur l’anthracite, empêchés par les bruits émanant du coin de la rue Mistral : on entend gloser, les verres claquent, et le rire tonitruant de la patronne éclate. L’homme s’appuie contre le mur, et nonobstant continue d’avancer. Ses mains contre les pierres se perdent, son corps entier se perd. Il trébuche à la recherche de la nuit la plus sombre, d’une rue éloignée, répondant à l’appel de la douleur. Et son sanglot soudain apparait comme un cri, comme le hurlement déchirant du loup demandant à la lune, de lui rendre l’impossible.
(Et merci merci pour ton mot, tu sais ! :)