Vendredi 8 mai 2009 à 23:34

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Intervention


     Autrefois, j'avais trop le respect de la nature. Je me mettais devant les
choses
et les paysages et je les laissais faire.
    Fini, maintenant "j'interviendrai"
    J'étais donc à Honfleur et je m'y ennuyais.
Alors résolument, j'y mis du chameau. Cela ne paraît pas fort indiqué.  
N'importe, c'était mon idée. D'ailleurs, je la mis à exécution avec la plus
grande prudence. Je les introduisis d'abord les jours de grande affluence, le
samedi sur la place du Marche'. L'encombrement devint indescriptible et les
touristes disaient : " Ah ! ce que ça pue ! Sont-ils sales les gens d'ici ! "
L'odeur gagna le port et se mit à terrasser celle de la crevette. On sortait
de la foule plein de poussières et de poils d'on ne savait quoi.
     Et la nuit, il fallait entendre les coups de pattes des chameaux quand ils
essayaient de franchir les écluses , gong ! gong ! sur le métal et les madriers !
     L'envahissement par les chameaux se fit avec suite et sûreté.
    On commençait à voir les Honfleurais loucher à chaque instant avec
ce regard soupçonneux spécial aux chameliers, quand ils inspectent
leur caravane pour voir si rien ne manque et si on peut continuer à faire
route ; mais je dus quitter Honfleur le quatrième jour.
J'avais lancé également un train de voyageurs. Il partait à toute allure de
la Grand-Place, et résolument s'avançait sur la mer sans s'inquiéter de la
lourdeur du matériel ; il filait en avant, sauvé par la foi.
     Dommage que j'aie dû  m'en aller, mais je doute fort que le calme  renaisse
tout de suite en cette petite ville de pêcheurs de crevettes et de moules. 

    Henri Michaux (Mes propriétés)

Mettez du chameau !

Il m’a juste suffit de faire respirer la terre, en brisant un peu du carrelage gris du bâtiment D, et de déposer une graine. Le lendemain, il avait un baobab, un magnifique baobab qui éventrait de sa splendeur les murs sales et droits. Il n’avait eu besoin que d’un soupçon d’eau. Et puis, d’énergie vitale, que l’arbre avait puisé toute la journée, tapi dans le sol. Cette force venait de la masse, de la foule des hommes qui passent, toujours chargés d’émotions, de ressentis. La petite graine les avaient simplement écoutés et tous, inconsciemment, lui avaient donnés : un bonheur, une peur, un baiser. C’était devenu un arbre gigantesque. Réveillé par la lune, il avait brisé une partie du toit pour faire respirer ses ramures. Et dans toutes les salles de classe, on y trouvait des branches et des racines, jusque dans les recoins des tableaux noirs. Le sol était couvert de terre retournée, de poussière et de futurs fleurs.
Le lendemain, lorsque du tramway, on apercevait au loin, derrière la façade lisse, l’arbre exotique. La surprise était générale. Il fut décidé, par mesure d’urgence, d’arrêter les cours aussitôt. Cependant, personne ne parvint pas à enlever l’arbre. Alors, on décida d’apprendre à vivre avec. Quelques semaines après, la vie reprenait ses cours. Tous se faisait à sa présence, il intégrait peu à peu le quotidien. « T ‘es où ? » « Au pied du baobab ». Les 6ème étudiaient ses ramures, en cours d’art plastiques, on le dessinait. Chacun sentait l’arbre vivre, chacun s’y attachait, simplement. Et, intuitivement on percevait que les larmes et les rires filaient mieux, lorsque lovés auprès de l’énorme tronc. Plus tard, le baobab donna ses premiers fruits, que l’on servit au self, à côté du pain trop sec et du riz blanc. Je décidai d’intervenir une nouvelle fois et des dizaines d’oiseaux africains vinrent. J’avais rompu le silence, je savais que nous étions maintenant prêt à entendre.  Le baobab avait une voix et il chantait. Une nouvelle fois, on tenta de chasser les oiseaux, mais ils revenaient inéluctablement, dès lors que les cours reprenaient, qu’une nouvelle présence les faisait renaître. Peu à peu, des plumes colorées se dispersèrent le long des pans de murs encore debout et elles venaient s’infiltrer jusque dans l’unité centrale des ordinateurs. On les accrochait un peu partout, par effet de mode, sur soi, sur son sac, sur sa trousse. Un jour, à la sortie d’un cours, j’en ai trouvé une magnifique, les autres ne l’aiment pas trop, ils la trouvent un peu étrange. Je m’y suis attachée et jusqu’à aujourd’hui, elle est toujours aussi resplendissante. Depuis,  j’aime voir que l’arbre et ses oiseaux dominent, que c’est en plein milieu du temple de l’intellect qu’ils aiment à faire vivre les ressentis. Personnellement, j’apprécie de me poser, les regarder , les entrevoir et puis, à l’occasion, je sème des coquelicots.
Par Sans.cible le Samedi 9 mai 2009 à 11:17
Tu sais, il y a un marronnier qui pousse sur mon balcon (oui, ça se peut)
Par maud96 le Samedi 9 mai 2009 à 12:40
J'aime ce genre de délire. Le Baobab africain et exubérant dans le monde de l'intellect occidental, çà sauverait peut-être le monde, tu sais !
Par grey-mushroom le Lundi 11 mai 2009 à 16:54
Je n'ai pas l'impression d'avoir nié en quoi que ce soit le fait que la tristesse existe partout. Mais. C'est vrai que parfois, ça fait du bien de pleurer.
J'aime aussi tes habillages, surtout le premier, neutre juste comme j'aime.
Bisous.
Par Hello-Goodbye le Mardi 12 mai 2009 à 12:25
J'aime beaucoup cet article. Il m'a donné envie de planter une graine de Baobab au milieu de ma fac, pour voir si ça marchera aussi <3
 

Chuchoter à l'oreille









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