J'avais dessiné très précisément les contours de mes doutes, et circonscrit avec patience l'identité de mes béances. J'avais appris à compter le noir et les virgules de ses nuances. Le temps passé et le chagrin moins lourd j'avais saisi ma peine pour la rentrer au loin du monde, tu vois. J'ai vécu ainsi à aimer, et les vagues connues n'ont pas éloignés les rivages. Je ne niais rien de leurs violence, précisons-le de suite. Je ne niais rien. Le jour venu, au retour de la rupture (dans sa répétition, son scandale et sa force), j'ai commencé à perdre de moi. Le tumulte dans le paysage déjà troublé par le changement (de lieu, de perspective, et les évolutions mordantes). Le tumulte déjà, les perspectives d'un coup retournées, redistribuées et floues. Le tumulte qui me rendait inaudible, impossible d'entendre, impossible à entendre. Une nouvelle donne brusque, le temps d'une secousse et les repères chamboulés. Je n'ai pas eu le temps, vois-tu, de mesurer les pas. Aujourd'hui je recouvre peu à peu l'étendue de mon espace, et je découvre à nouveau les lignes qui le courbent. Réveillée sur le rivage, je regarde les dunes nouvelles et les gouffres révélés. Le ciel est perlé de trainées violettes et rouges, le soleil est près comme une planète écarlate et je regarde les météores tomber à l'infini. Le vent courre sur mon visage et j'aimerais pouvoir chanter, invoquer les esprits de ma propre lueur tremblée, peu à peu réouverte à sa propre vie. Le sol frémit aux impacts tonnant des étoiles qui tombent et s'embrasent. Le champs de bataille revenu à mon esprit, je reprends la route.
Kanashimi to ikari ni hisomu makoto no
Kokoro wo
Shiru wa mori no sei
Mononoke tachi dake
Mononoke tachi dake