Dans un élan maladroit, à mi-chemin entre une nostalgie grisonnante et une passion romantique, je vais commander un café dans cet endroit vert et blanc. Installée sur la grande table, comme avant. Je me raccroche aux branches des petites tâches, pour masquer l’angoisse qui monte, qui monte. Pourtant, il y a quelque chose au fond de moi qui me murmure que j’aime ces situations-là. Mes paupières grésillent sous la fatigue et la peur lancinante. Un douloureux appel à l’intense et le goût de ce rythme effréné. Il n’y a pas si peu d’entre-deux entre mes tentatives d’abolir le temps et celle d’embrasser l’impression pressante de son accélération. L’urgence, l’urgence, pour repeindre l’intime et ses nuances. J’écoute un refrain doux et naïf, un peu au hasard. Il y a cette esthétique d’un gouffre que l’on sent se dessiner et l’adrénaline qui parcoure mon corps.
Sur cette grande table en bois, j’aime être entourée de ces inconnues. Les grandes lampes qui descendent mangent la lumière naturelle et donne l’impression qu’il fait déjà presque nuit. J’ai toujours envie de m’en aller. Et chaque minute de plus me paraît une victoire, immédiatement rattrapée par une forme rance de culpabilité. Je voudrais courir. Me baigner ailleurs. Sauter dans un avion, vraiment. Acculée sur cette table rectangulaire, qui se distingue pourtant par sa hauteur parfaitement ergonomique. J’y suis souvent venue pour faire rempart à l’abandon. Et cette rengaine qui m’invite à croire et à y aller, à me plonger dans l’inconnu. Toujours naïve, toujours naïve, mais esthétiquement séduisante, il faut le reconnaître. Pleine d’images de galaxies et d’étoiles, c’est parlant. Elle m’enjoint à me mettre mes peurs au loin, peut-être même à m’en débarrasser. Qui-sait ?
Je m’imaginais à New York, commander un café et du pain complet, comme Patti Smith, et retrouver la sensation grisante d’être perdue dans une ville immense qui se déroule à l’infini, comme autant de possibles. Le centre de Paris est pavé d’endroits connus et trop foulés, peut-être. Réservoir à souvenirs impromptus et chargé d’errances. J’oublie souvent de regarder la lumière à travers la fenêtre. J’ai souvent oublié le printemps. Jevoudrais ortir, en fait. Sentir l’air sur mon visage et les murmures de la rue.
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