Samedi 30 janvier 2010 à 23:36

http://imparfaiite.cowblog.fr/images/6a00e5508e95a988330128768dfc6c970c800wi.jpgJe me laisse sans voix et je me dégoute tout autant. Il semblerait que je me penche de trop, parfois. Je me suis remise à lire régulièrement, avec le rythme symbolique d'au moins un livre par semaine depuis le début de l'année. J'ai ressenti au début, un soulagement, profond. J'avais manqué d'air, j'avais manqué de mots, d'ouvertures. Je lisais trop peu et ca me manquait. Mais maintenant j'étouffe, j'étouffe sous les pages. Je lis peut être des choses trop fortes. Je lis des livres de lecteurs qui me renvoient trop à moi même. Pourquoi je lis ? Par ce que j'aime cela ? Oui, c'est ce que j'ai toujours cru/dit/pensé. Qu'est ce qui est le plus fort ? Est ce que les études où je vais, la section où je suis ne me l'appellent pas trop aussi ? Oui et non. Pas seulement. Est ce que ma peur, d'être absolument larguée dans une (bonne) prépa va-t-elle transformer ma lecture en utilitarisme ? Vais-je cesser de lire de la poésie ? Vais-je perdre mon âme de lectrice. Certains blogs littéraires (et je ne fais là aucune généralité, loin s'en faut) m'agacent franchement à cause de la satisfaction non dissimulée du nombre de livre lu, de la satisfaction tout court, orgueilleuse du lire pour lire, de la performance en tant que telle. Certains blogs où on ne ressent pas l'amour de la lecture dans la chair. Les articles se succèdent sans folies, les titres sont sans originalités et tout est affaire de chiffre et de culture amassée. Je ne dis pas que de compter ces lectures est un mal, mais ce n'est pas un but. Je ne dis pas que critiquer un livre est sans fondements, je dis que cela ne doit pas être l'occasion d'un étalage d'orgueil, d'un "AHAHA, j'ai lu, MOI". J'ai peur de ses blogs de livre sans âme. Et si je ne prends pas de distance par rapport à cela, c'est bien par ce que cela me touche. Par ce que j'ai peur de perdre quelque chose qui fut pour moi des plus précieux et que j'ai peut être trop considéré comme acquis, dont j'ai perdu des repères. J'ai peur que mon orgueil aille ton manger, que mon immense besoin de reconnaissance (inérant à tous ou que je vis avec une intensité toute particulière ?) foute tout en l'air. Je lis trop vite pour rattraper le temps perdu, pour m'affranchir ou pour me targuer plus vite d'un savoir que je ne connais pas ? J'ai peur. Peur de ne plus pouvoir sentir les livres dans ce qu'ils ont d'essence et de me construire en façade. Mon vocabulaire me semble des fois tellement faux que j'en ai honte. Je n'oublie pas ce qu'a été la lecture pour moi, au début. Ce fut, tout d'abord, et profondément je le crois, le moyen de vivre au dehors, de rentrer dans des univers où l'identification aux personnages me permettait un voyage grand et entier, dans un univers. Ici, pas question de style à proprement parlé mais bien de mondes d'ailleurs qui me parlaient ou pas. C'était aussi, le moyen d'accéder directement à une certaine connaissance. C'était le moyen d'accéder, de faire jouer, de toucher mon intellect, sans intermédiaire, sans maitresse, parents ou que sais-je. J'étais seule avec ma tête. C'était un savoir accessible sans la figure de l'adulte. Et je sentais déjà se construire une distance avec l'autre, qui oscilla (et oscille toujours) entre fierté et désespérante, une distance désirée mais profondément redoutée, une distance accentuée ou nuancée. C'était mon orgueil, pitoyable qui cherchait un soutient, le désir d'être mieux, désir né de la profonde certitude que l'on est "moins bien", que l'excessive estime que l'on a pour vous, repose sur du vent. Sans savoir vraiment sur quoi elle pourrait reposer, peut être une perfection ou du moins une exceptionalité qui semble aussi dérisoire qu'inaccessible. Ainsi, du même coup, arrive la condamnation de l'orgueil, qui apparait blâmable en tout point. Je ne parvenais pas à mettre des mots sur tout cela mais mon engouement pour la lecture doit naitre des relations de toutes ces choses : le sentiment d'être différente, le désir de justifier une estime (ca, peut être un peu plus tard, quoique), l'envie d'apprendre, de savoir, le goût des mondes, l'envie de fuite, l'envie de voir... Tout cela qui allait développer une soif, soif de lire, qui me faisait lire toute la nuit, dès qu'une minute se présentait, une émulation intérieure qui me poussait à toujours lire des livres "plus longs", "plus durs", plus passionnants. Et je savais que je m'approchais plus vite du monde qui me convenait plus, celui des adultes, qui me semblait moins méchant (ahah), plus fascinant, plus protecteur, (plus gratifiant ?).
 

Mais; je pense. Qu'est ce qui fait un vrai amour de lecture ? Il n'y en a pas de pur mais m'en rendre compte me fout un coup. Le sentiment, et j'utilise ce mot dans un sens fort,  qui nous lit à lecture, ce sentiment de connivence, ce sentiment n'est jamais pur. Du moins, toute sa vie. Je pense qu'on doit se construire lecteur, de même qu'on se construit écrivain, homme, soi. A la différence peut être que subjectivité, symbolisme, individualité, se caressent et se tordent avec intensité.

Le rapport à la lecture est aussi évidemment lié à notre classe, pour reprendre un vocabulaire sociologique. Si, dans notre famille, la lecture est reconnue ou déniée et cette dernière devient alors moyen de dépasser ces barrières. C'est à la fois beau et affreusement utilitaire, c'est à la fois libérer l'homme d'un certain déterminisme et le tordre encore plus (un grand traumatisme d'enfance est surement que le manichéisme du bien et du mal qui s'excluent est une belle foutaise).

Et l'utilitarisme littéraire est-il à blâmer ? Est ce une des étapes où nous devons parfois passer ? Le condamner est ce rentrer dans la mystification d'une chose qui ne résonne que si peu en réalité ? Mystifier la lecture n'est ce pas d'ailleurs nous éloigner d'elle pour nous éloigner du même coup à ce que nous avons de profondément matériel et bas ? Oui et non. Surement. Nous ne nous regardons pas en face et la lecture peut être l'un des flous soutenant mais je maintiens qu'elle a quelque chose de plus fort que tout, de transcendant qui la maintenant, dans ce statut si particulier que peuvent être celui de l'art, l'amour.

J'ai de plus en plus de mal à avoir de véritable goût littéraire car j'appréhende avec force les influences qui les façonnent. Ma classe sociale, mes rencontres. Eribon raconte dans son livre "Retour à Reims" (qui est chamboulant, c'est de là qu'est né cet amas verbal) comment, en cours de musique, les classes se dessinaient. Les petits bourgeois,  fermaient les yeux à l'écoute d'une musique classique, feignant l'extase pendant que les fils d'ouvrier ricanaient. Et cet exemple, il pourrait en avoir mille, ce qu’il faut aimer ou ne pas aimer, ce qu'il faut ou non avoir lu. Tant de goûts malaxés, façonnés par notre milieu social, dont nous ne pouvons franchement nous défaire. Le peu de  livres à forte inspiration sociologique que j'ai pu lire (A.Ernaux, Eribon) me font toujours froid dans le dos car, sans pourtant invoquer un déterminisme social inéluctable (qui serait au fond sans réel sens), mettent en exergue la puissance du vecteur social.

Je sens les tensions intérieures qui se fracassent au réel avec violence. J'entends la puissance sociale qui est la toile de fond, le chef d'orchestre et la toile de résonance. Vertige. Vertige. Vertige. L'humaine s'imbrique, je m'imbriqué. Mon rapport à moi, relativement torturé (comme tout le monde), perdu dans un monde de puissance. La découverte, avec l'adolescence de son individualité violente nous fait oublier le schéma social. Oh, souvent, on le SAIT. Mais, on ne le SENT pas. Et je sens trop maintenant comment ma spontanéité naturelle ne fait que hurler tout ce que je refuse, que cela vienne du plus personnel (aussi exclusivement personnel que cela puisse être) au plus formaté socialement (autant que cela puisse être, là aussi). Je ne cesse de travailler sur un moi qui m'échappe plus que je l'approche. Et, ca aussi, j'ai beau le savoir depuis longtemps, je me résolu à le sentir que depuis peu (quelques années tout au plus). Là aussi, je sais qu'il y a des choses à apposer à ces tensions, des "Deviens ce que tu es", une re-creation de soi en défaut d'une création. Je sais aussi que certaines choses sont tenaces. C'est assez drôle de se rendre compte que l'on a beau savoir que, je ne sais pas, le bonheur infini est une contraction dans les termes, que les questions sont souvent plus importances que les réponses et que ces dernières sont vouées à ne pas embrasser la radicalité qui nous rassurerait, on y croit, toujours un peu, plus ou moins, selon les périodes et les demandes de notre vie sensible. L'impossible nous est souvent impossible à penser. De même, j'énonce moi même des poncifs qui vont affreusement manquer de nuance et dont je me sentirais le besoin, intérieurement ou non, de justifier les faiblesses plus tard. La découverte du gouffre de l'individualité nous marque tellement fort que la croire restreinte en certains points nous heurte profondément, aussi riches, justifiées et dé passables que puissent être ces restrictions. Avant d'arriver à accepter ce que l'on est, il faut déjà consentir à ce qu'on ne puisse pas être autrement sur certaines choses. (Ne serais-ce que nous sommes finis ?)

Je place donc comme centrale la question de l'orgueil, à soi, au monde, à notre condition.
Au principe même de vérité, il nous lie. Si je blabate ainsi, c'est bien pour tenter d'appréhender le souffle d'un murmure de vérité. Et si on ne prend à réfléchir à l'écriture, à la lecture, c'est bien que l'on pourrait se perdre dans autre chose que soi ? Est ce vraiment le cas ? Les limites qu'on se définie sont elles recevables dans leur principe même ? Alors quoi ? L’acceptation totale de nous ? Ou est la frontière avec la résignation. Notre rapport si fort à la nature … nous sommes en tellement de points symboliquement elle et elle, symboliquement nous. J’imagine l’homme comme des horizons où l’on voudrait tracer les contours.

Ceci est un amas verbale, un fil de pensée déroulé dans l'instant, que je vous prie de le lire avec du recul, par ce que trop poncif, trop spontané, pas assez réfléchi mais écrit écrit écrit avec une certaine forcé dérisoire qui me donne envie de le poster.
Vos poèmes préférés ? (clique)
Par Lady.Dylan le Dimanche 31 janvier 2010 à 3:19
Je me reconnais tellement dans tes mots. Au début dans ce que tu raconte, consciemment, sur la lecture - c'est ce que je ressens aussi - puis plus intimement dans le flot même de tes paroles, dans la cascade de ta pensée, dans cette forme frémissante.
Par Akkantha le Dimanche 31 janvier 2010 à 11:26
En lisant ton article, j'ai pensé à ces mots de Mario Vargas Llosa:
"Il n'y a rien de mieux qu'un roman
pour faire comprendre
que la réalité est mal faite,
qu'elle n'est pas suffisante
pour satisfaire les désirs
les appétits, les rêves humains."

(Et je crois l'avoir déjà dit ; j'adore l'habillage Princes et Princesses :3)
Par alesia le Dimanche 31 janvier 2010 à 16:50
je pense que pour apprécier la lecture, il faut pouvoir rentrer totalement dans le livre, se laisser happer par lui, et que cela n'est pas possible dans une lecture utilitaire ou analytique : on est en recherche de données, d'informations, et non plus dans le plaisir de la lecture.
Dans le cadre de mes études, toutefois, je suis amenée à étudier les livres. Je fais pour cela plusieurs lectures. La première, que j'appelle "lecture sincère" : je me contente de lire, de rentrer dans l'histoire, sans arrière pensée. Puis vient la seconde lecture, souvent suivies de beaucoup d'autres, pour analyser le texte (dans le cadre de mon mémoire, par exemple). Mais j'ai du mal à mélanger ces deux types de lecture..
Par alesia le Dimanche 31 janvier 2010 à 16:50
(ce qui ne veut pas dire que je n'ai pas de plaisir à analyser le texte, non. Mais c'est un plaisir différent de celui de la lecture pure et simple)
Par Mot.PaSsant le Dimanche 31 janvier 2010 à 17:15
Certains passages de ce flot d'impressions sentent le Bourdieu en puissance =)
Nous sommes tous des tas d'Hybris... Mais je crois pas au déterminisme social. C'est trop facile et dangereux (surtout lorsqu'on en fait un système conceptuel autonome...)

"Et si on ne prend à réfléchir à l'écriture, à la lecture, c'est bien que l'on pourrait se perdre dans autre chose que soi ?"
Non. J'ai longtemps cru que je lisais pour m'oublier...foutaises idéalistes et dégueulasses, bavardages niais de songe-creux... Je suis un être de signes, je suis hantée... Je suis le Verbe; et je me suis finalement reconnue dans les miroirs brisés que m'ont tendu mes Auteurs... mes Poètes... mes Amants.
Ça faut l'accepter pour pas périr. Lire ce n'est jamais mourir en soi, jamais... Parce que y'a cette douleur au fond du coeur, au fil des mots, le long des sanglots qui ressemble à la Vie.
C'est quand tu fermes ton livre ou quand tu arrêtes d'écrire que tu commences à mourir.

Bien à toi =), je reviendrai sûrement...
Elsa
Par SweetLove le Lundi 1er février 2010 à 19:58
J'ai oublié de te dire, la photo que tu aimes, elle est de moi. J'en suis extrèmement fière. :D
Par Princess-Maorie le Lundi 1er février 2010 à 20:40
On peut dire que tu ne t'essouffle jamais, toi ! ça fait toujours aussi plaisir de te lire. La plupart de tes sentiments ne me sont pas étrangers de plus.

Désolée pour ces derniers temps ou je n'ai pas été ni présente ni bavarde -_- c'est toujours ma période de l'année ou je part en dépression. Mais l'espoir fait vivre, et l'espoir que j'ai ne cesse de grandir. Peut être pour faire un peu trop mal lorsqu'il cessera brutalement d'exister et de m'entrainer vers le haut pour me laisser retomber tout en bas.
Par Madness.of.Love le Mardi 2 février 2010 à 20:21
Je ne sais plus si je suis venue te dire. En tout cas, j'en avais l'envie.

Je te remercie pour tes passages réguliers alors que j'écris trop peu. Merci de ton soutien, aussi. En tout cas, je pense pouvoir dire que ça va, sur le plan émotionnel du moins ^^. L'écrit que j'ai posté la dernière fois, c'était une éruption d'écriture, rien qui ne puisse vraiment se rapporter à ma vie ; ou alors ce serait une sorte de rêve. Une satanée conscience masculine qui viendrait me... quoi, rassurer, déprimer, soutenir ? Je ne sais pas.
Je ne peux pas m'analyser moi-même, après tout.

Je reviendrai commenter ce superbe texte que tu as écrit là ; pour l'instant, mon contrôle d'histoire m'appelle corps et âme.

Je t'embrasse !
Par maud96 le Jeudi 4 février 2010 à 12:30
Le "livre par semaine", une résolution que j'ai prise aussi... et j'y réussis... mal !
Par LambeauxDeVie le Samedi 6 février 2010 à 12:58
Lire, punaise. Ca me manque terriblement. Je vais à la bibliothèque, je prends des livres, et je les ramène tout juste à temps, sans les avoir ouverts. Manque de temps. Manque de.
Par o0.Lire.a.tout.prix.0o le Lundi 8 février 2010 à 14:53
coucou,tout d'abord merci pour ton commentaire.
Pourquoi je poste sur cet article? Tout d'abord la photo m'a interpelée et puis en commençant à lire ton article, je ne sais pas comment tu t'y es prise mais tu as réussi à me captiver et je pense comprendre ce que tu essaye de dire dans cet article.
En tout cas j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ton avis et chapeau pour " un livre = une semaine"

Encore merci de ton passage.
bisous
Par Elora le Mardi 9 février 2010 à 21:41
Comme l'a dit Mot.Passants, ça sent le Bourdieu.
Qui plus est, j'adore lire et je fais des études à forte tendance littéraire( dans le but de devenir bibliothécaire)
1 livre = 1 semaine, c'est un rythme correct, selon moi.
Je me sens très touchée par le début de ton article sur le nombre de livres lus. En effet, je tiens un blog littéraire et, effectivement, j'ai décidé de faire la liste, chaque fin de mois, du nombre de livres lus...et, en ce moment, je suis en plein "boulottage" de livres (14 en janvier...). Mes critiques peuvent paraitre froides pour la simple (et bonne ?) raison que l'on m'a appris à faire des critiques presque comme les professionnels alors, même si je mets les résumés des 4èmes de couv', mes avis à proprement parler peuvent sembler froids. Je ne dis pas "je" et j'essaie d'être objective, sans pour autant cacher ce que je pense.

J'aime le fait que tu te remettes en question. Cela m'impressionne toujours les gens qui font ça !
 

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